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La Disparition de Josef Mengele de Kirill Serebrennikov : notre avis

12 Novembre 2025 à 14h10

Marguerite Romeuf - Critique Culture

Immergée dès sa naissance dans un univers artistique par une mère danseuse et un père acteur, Marguerite Romeuf, de son nom de comédienne Marie-Line Rossetti, développe le goût et la curiosité pour la création en théâtre contemporain et classique, en danse, opéra et peinture.

Au fil de ce film, on découvre un Josef Mengele rongé par son idéologie SS persistante, acculé à une fuite permanente à travers divers pays, notamment l’Argentine et le Brésil. Cet homme est aigri, agressif, dépourvu de toute empathie. Rappelons qu’il fut surnommé « l’ange de la mort », pour ses expériences médicales ignobles, souvent mortelles, sur des prisonniers du camp de concentration d’Auschwitz, durant la seconde guerre mondiale.

La Disparition de Josef Mengele Tandis que, à la victoire des forces alliées causant la chute du Troisième Reich, on estime que neuf criminels nazis sur dix restèrent en Allemagne et en Autriche, d’autres firent le choix de s’expatrier, de fuir vers l’Amérique du Sud. Ce fut le cas du médecin tortionnaire Josef Mengele.

Il est intéressant de rappeler que, dès 1944, avant la chute du IIIe Reich, un nombre important de nazis prirent leurs dispositions pour s’exiler en cas de défaite, lors d’une réunion à Strasbourg, le 10 août 1944, baptisée « Conférence de Maison-Rouge ».

Durant cette réunion, une organisation clandestine fut créée, de sorte à mettre hors de danger les plus hauts dignitaires du Reich en les exfiltrant, à destination de lieux sûrs.

Il en ressort que certaines institutions ou organisations participèrent à cette entreprise, y compris le Vatican, ce qui fut reproché au Pape Pie XII. Mais la Croix Rouge et Caritas Internationalis ont aussi aidé des nazis à quitter l’Europe.

D’ailleurs, dans ce film réalisé par Kirill Serebrennikov, on voit clairement toute une communauté nazie se réunir et continuer de célébrer le Reich, tout réfugiés qu’ils sont en Argentine.

Certaines couches de la société argentine n’appréciaient guère les juifs, les accusant d’avoir tué le Christ. D’où leur accueil aux nazis.

Le film traduit avec force cette fuite perpétuelle de Josef Mengele. Cet homme méprisant et colérique est rongé par la peur d’être retrouvé et assassiné par les espions d’Israël, le Mossad. Il en développe une paranoïa sévère.

À l’évidence, un fugitif se condamne à la solitude, souvent d’ordre physique, mais surtout morale et affective.

Josef Mengele, dans le film, fait appel à son fils, resté avec sa mère, dont Josef fut séparé. L’épisode se déroule en 1977. Son fils , cheveux longs, un air doux, est un jeune allemand en harmonie avec les valeurs humanistes des années 70. Il répond à l’appel lancé par ce père lointain. Il espère des réponses aux questions qu’il s’est toujours posées...son père a-t-il vraiment commis les horreurs dont la société l’accuse ?...

Mais il se heurte à un bourreau rigide, froid, dur, qui n’éprouve aucun remord, et qui n’a rien d’un père.

Il est captivant, en même temps que l’on suit ce fugitif criminel, dont le réalisateur éclaire si subtilement les états d’âme, de visiter aussi cette relation père-fils figée dans l’incapacité de se construire.

Kirill Serebrennikov a adapté le roman d’Olivier Guez paru en 2017 et lauréat du prix Renaudot. Dans le rôle de Josef Mengele, l’acteur August Diehl campe ce personnage complexe avec talent et brio.

Kirill Serebrennikov bouscule, lui aussi avec talent, les codes temporels du cinéma. Il jongle avec les flashbacks, nous sert son film comme un puzzle à reconstituer, le tout dans un noir et blanc tirant sur le sépia. Sauf pour un épisode en couleurs (l’arrivée des convois de déportés, la descente des wagons, les valises abandonnées sur le quai) le film est en noir et blanc.

C’est là, sur cette évocation du passé, que le réalisateur emploie délibérément la couleur ! Alors que, selon le code établi dans ce septième art, c’est l’utilisation du noir et blanc qui est tenu d’évoquer le passé. Kirill Serebrennikov choisit de faire le contraire. Pour le spectateur, ce choix se révèle poignant !

Ce film fait écho à l’adaptation théâtrale tirée, elle aussi, de l’ouvrage d’Olivier Guez, par Mikaël Chirinian, co-produite par le Théâtre du Chêne Noir, et présentée lors du Festival d’Avignon 2024, où grâce à une interprétation magistrale de Mikaël Chirinian, ce monologue eut un grand succès.

Dans le contexte actuel de tensions mondiales et de montée de l’extrême droite, ce sujet continue de passionner réalisateurs, acteurs et publics.

« La disparition de Josef Mengele » est diffusée au cinéma l’Utopia-Manufacture à Avignon. A voir !
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