Marguerite Romeuf - Critique Culture
Immergée dès sa naissance dans un univers artistique par une mère danseuse et un père acteur, Marguerite Romeuf, de son nom de comédienne Marie-Line Rossetti, développe le goût et la curiosité pour la création en théâtre contemporain et classique, en danse, opéra et peinture.
Au théâtre L’Optimist, l’accueil y est chaleureux et bon enfant, à la manière propre à l’esprit « café théâtre ». Ces 26 et 27 septembre, l’ouverture de saison était dédiée à Zadkine et Cendrars avec la lecture animée au titre évocateur « Comme un dernier désir dans l’air bleui », mettant à l’honneur le texte prophétique et poétique de Blaise Cendrars « Le Tanssibérien », poème épique écrit en 1913.
C’est avec conviction que le comédien Olivier Pauls, accompagné du musicien Bruno Grégoire, s’est emparé de ce texte magnifique. Installé sur des banquettes rouge vif, face à un plateau intimiste, comme un écrin tout noir, le public se trouve embarqué dans un narratif construit en trois épisodes.

Le premier évoquant l’enfance, puis les choix de vie du sculpteur Ossip Zadkine, né sous le nom de Yossel Aronovitch Tsadkine le 28 janvier 1888 à Vitebsk (ville biélorusse) et mort le 25 novembre 1967 à Neuilly-sur-Seine. Du signe du verseau souvent qualifié d’avant-gardiste, Zadkine est considéré comme le grand maître de la sculpture cubiste. Singulièrement influencé par Auguste Rodin pour l’expressivité romantique de ses œuvres.
Selon les propres mots de Zadkine, son œuvre est un cri d’horreur contre la brutalité inhumaine des actes de tyrannie.
Au regard de notre actualité mondiale, ce choix d’évoquer Zadkine apparaît comme fort judicieux et tellement approprié !
Il est à espérer que la deuxième partie du narratif, dédiée au Transsibérien écrit en 1913, par conséquent juste avant la première guerre mondiale, ne soit pas le fruit d’un choix quelque peu prophétique, si l’on considère l’état géopolitique du monde actuel, gangréné par de nombreux conflits armés.
Le Transsibérien est une voie de chemin de fer encore existante qui traverse la fédération de Russie de Moscou à Vladivostok, réalisée en son temps sous l’impulsion du Tsar Alexandre III. La première pierre du chantier sera posée à Vladivostok le 31 mai 1891 par le prince héritier, le futur Nicolas II, à qui incombe la responsabilité de la réalisation de cette « merveille des temps modernes ».
On est alors encore en pleine révolution industrielle, débutée en 1760, dont le chemin de fer représente un élément majeur.
S’ensuivront, après la mécanisation fonctionnant à l’eau et à la vapeur, vers 1780, l’électrification vers 1870, puis l’automatisation vers 1970, la mondialisation vers 1980, pour aboutir à la plus récente révolution, le numérique.
J’en reviens, après ces rappels historiques, au texte Le Transsibérien écrit par Blaise Cendrars, de son vrai nom Frédéric Sauser Hall (1887-1961). Quelques mois après le naufrage du Titanic, Blaise Cendrars, alors âgé de 25 ans, écrit ce poème en vers libres, où il évoque un voyage en train à travers la Russie, mêlant ainsi la modernité de cette ère industrielle, à ses réflexions sur l’identité et le temps.
C’est par une lecture, pupitre et micro sur le plateau, que le comédien nous livre ce texte, accompagné d’une bande-son explicite. Le public demeure attentif, captivé par la beauté de cette prose. Olivier Pauls a fait le choix de soutenir et de porter ce texte, avec force mimes, ce qui peut être contestable d’un point de vue des techniques prônées en Art Dramatique. Toutefois, rendant à César ce qui est à César, force est de lui reconnaître son enthousiasme et sa profonde conviction !
Enfin, la troisième partie de cette présentation, consacrée à l’après-guerre de 14-18, à ce retour à la « norme » de tous ces artistes des années créatives, les années 1910, clôture cette proposition artistique.
En conclusion, citons Claude Leroy dans sa préface de l’ouvrage « Partir » : « Et quand les poètes_ ces voyageurs sans bouger_ se mettent en route, c’est pour s’aventurer dans l’espace du dedans, sur les voies du rêve ou de l’imagination. »
Ce soir-là, dans l’écrin douillet de L’Optimist, nous fûmes tous poètes !
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