Marguerite Romeuf - Critique Culture
Immergée dès sa naissance dans un univers artistique par une mère danseuse et un père acteur, Marguerite Romeuf, de son nom de comédienne Marie-Line Rossetti, développe le goût et la curiosité pour la création en théâtre contemporain et classique, en danse, opéra et peinture.
Ce film réalisé par Hélène Medigue débute sur une bande-son avec une composition de l’argentin Astor Piazzolla, et se poursuit tout au long du film par le choix d’extraits de chansons de Julien Clerc, dont « Ce n’est rien ».
Ce choix musical est un indicateur qui procure d’emblée à ce film son message anticonformiste, et nous verrons pourquoi, face à l’autisme.
Dans le rôle de Pierrot, autiste de la quarantaine, le jeu de l’acteur Grégory Gadebois s’avère d’une justesse parfaite !
Le choix du sujet, l’autisme, est un choix audacieux et courageux. Il est à saluer !

Le film met en exergue l’inadaptation du système social et du monde médical en réponse à l’autisme, qui touche pourtant une partie importante de la population en France, à savoir environ 100.000 jeunes de moins de 20 ans, et 600.000 adultes, d’après une estimation de la Haute Autorité de la Santé. 7500 bébés autistes naissent chaque année.
Pierrot, qui vit dans un centre à priori adapté, est victime d’un surdosage de médicaments prescrits par l’équipe médicale du centre, qui l’abrutit totalement. Sa sœur, interprétée par l’actrice Marie Gillain, décide de le kidnapper et de le prendre en charge chez elle, malgré la promiscuité de son petit appartement où elle vit avec sa fille adolescente (Mathilde Labarthe). Son objectif : réduire le dosage médicamenteux de son frère, et le stimuler par des activités qui le motivent, comme aller au planétarium, tout en le canalisant. En somme, elle se substitue à l’équipe dite « spécialisée », lui redonnant ainsi une certaine autonomie. C’est une lourde tâche qu’elle s’assigne, chronophage et énergivore. Pourtant, elle est avocate. Rien à voir avec le monde médical !...Mais une avocate comme on ne l’imagine pas de façon générale. Une avocate qui se déplace en vélo, et dont les tenues vestimentaires simples dénoncent son renoncement à paraître bourgeoise, comme le ferait nombre de ses pairs. Son confident et meilleur ami se trouve être le patron d’un bar-restaurant, en couple avec un autre homme. Le tableau est campé, on évolue dans une sphère de la population plutôt anticonformiste.
Et là, j’en reviens à Astor Piazzolla! Ce compositeur et bandoléoniste argentin, né en 1921 et mort en 1992 , donna ses lettres de noblesse au tango, et émancipa le genre en créant un répertoire novateur, à mi-chemin entre le populaire et le savant. Une petite révolution dans ce genre musical.
Quant au choix de Julien Clerc, il n’est pas non plus anodin, surtout avec la chanson « Ce n’est rien ». Ce chanteur populaire a émergé grâce à la comédie musicale rock de James Rado, Gérome Ragni, et Galt MacDermont, écrite dans une cave de Greenwich Village en 1967, et devenue un succès en 1969, la comédie musicale « Hair » , qui bouscula les mentalités de l’époque !
Le choix de cet axe musical accompagne parfaitement le sujet et l’orientation du film.
Pour autant, c’est le compositeur Philippe Kelly qui signe les autres musiques de ce long-métrage.
Long-métrage où l’émotion est présente. Le jeu épuré et direct de l’acteur Grégory Gadebois révèle à quel point il a dû s’informer sur l’autisme, et sans doute observer le fonctionnement
psychologique généré par ce trouble neurologique. Son interprétation est parfaite !
Le casting nous livre des actrices et des acteurs d’une compétence et d’un talent certains.
Toutefois, il reste à déplorer certaines scènes qui pêchent par une absence de justesse dans le jeu.
L’intrigue présente aussi quelques faiblesses, notamment dans le passage où Pierrot se retrouve, à l’essai, dans une ferme accueillant d’autres autistes. Ce passage, peu crédible au regard justement de l’autisme avec sa difficulté à fonctionner de façon communautaire, nous renvoie au film très réussi d’Artus « Un p’tit truc en plus ». Mais on ne perçoit pas l’intérêt d’introduire cet épisode dans le déroulé de « Une place pour Pierrot ».
Malgré l’interprétation magistrale de Grégory Gadebois, ce long-métrage est une réussite mitigée.
Vu au Vox le 13 septembre 2025
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