Dans la foisonnante proposition du Festival d'Avignon, Cabaret Clandestin s'impose comme une œuvre collective d'une grâce et d'une pertinence rares. Fruit du travail de quatre artistes, ce spectacle explore les facettes universelles de l'exil. Au cœur du projet, le chant lyrique de Sarah Lazerges, d'une maîtrise saisissante, est magnifiquement épaulé par les interprétations sensibles de Magali Delvaux, Arthur Laguette et Eleonore Sandron. Puisant dans le répertoire enfiévré des cabarets berlinois et du caf'conc', ce quatuor incarne les fêlures de l'absence, qu'elle soit géographique, politique ou intime. Une synergie artistique poignante à ne manquer sous aucun prétexte.
Le titre seul, Cabaret Clandestin, est une promesse. Il évoque un lieu de résistance, un refuge où la parole et le chant, devenus subversifs, peuvent enfin s'épanouir à l'abri des regards et des orthodoxies. La proposition de ce collectif artistique honore magnifiquement cette promesse, offrant au public avignonnais bien plus qu'un récital, mais un véritable asile poétique d'une heure.
La force du spectacle réside dans sa parfaite alchimie. Au centre du dispositif, tel un fil rouge émotionnel, le chant de Sarah Lazerges se déploie. Sa voix lyrique, ample et puissante, sait se faire caressante ou déchirante. La musicalité est confondante, la maîtrise technique irréprochable. Mais elle n'est pas seule. Autour d'elle, Magali Delvaux, Arthur Laguette et Eleonore Sandron tissent la toile de fond de ces récits d'exil. Par leur présence magnétique, leurs interprétations habitées et leur jeu tout en retenue, ils sont les corps, les visages, les souvenirs silencieux que la voix fait revivre. Leur jeu choral crée des tableaux vivants qui donnent une chair et une âme aux maux de l'absence.
Car là réside la grande intelligence de cette création collective : dans son exégèse subtile d'une notion que l'on croit connaître. Certes, il est question de l'exil géographique, celui des migrants et des réfugiés. Mais le quatuor nous guide vers des territoires plus intimes. Qu'en est-il de cet exil intérieur que l'on ressent au sein de sa propre société, ostracisé pour ses origines, son genre, son âge ? Qu'en est-il de cette non-acceptation qui vous rend étranger à votre propre famille, parfois à votre propre corps ?
Ces questions ne sont pas assénées. Elles infusent à travers la synergie des artistes. Le choix du répertoire du cabaret berlinois ou du music-hall, par sa nature même, mêlant la gouaille à la tragédie, se révèle être le véhicule parfait. Il permet au collectif de dire la douleur sans pesanteur, la révolte avec une forme d'élégance désespérée, chaque artiste contribuant à la richesse de la polyphonie.
On sort de ce Cabaret Clandestin profondément touché. Ce collectif, par l'union de ses talents et la pertinence de son propos, nous rappelle que le théâtre est avant tout un art du présent et de l'humain. Une œuvre essentielle, de celles qui nous rappellent pourquoi la scène, lorsqu'elle atteint ce niveau d'exigence et de cohésion, demeure un art absolument nécessaire.
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