Pooja, Sir : notre avis
Sélection MOSTRA de VENISE 2024
Pooja est un prénom féminin d'origine sanskrite et indienne, signifiant « prière » ou « adoration » souvent attribué aux jeunes filles hindoues. Et de fait, cette jeune femme, l'héroïne du film, ayant la responsabilité au sein de la police népalaise d'une enquête pour kidnapping de deux enfants (dont l'un est le fils d'une personnalité importante), est très appréciée de son supérieur, et respectée de ses pairs.
Son aspect physique pourrait être qualifié, en termes genrés, de masculin : cheveux très courts, presque rasés, vus en gros plans, pantalon, chemise, poitrine bandée pour l'aplatir, aucun bijou, rien ne rappelant son appartenance au genre dit féminin.
Somme toute une façon de signaler, et peut-être de revendiquer dans une société népalaise conservatrice, son appartenance à la communauté LGBT. Et il est évident dans le film qu'elle vit avec une autre jeune femme une relation de couple.
Le titre du film « POOJA », son prénom, suivi de « SIR », monsieur, revendique sans doute la tolérance et les droits de cette communauté...car ce qui étonne, c'est qu'à aucun moment du film, elle n'est appelée « SIR » (monsieur). Alors pourquoi ce titre ?
Il me renvoie à Aurore DUPIN alias GEORGE SAND, qui a choisi ce nom masculin afin d'exister en tant que romancière, dramaturge, critique littéraire et journaliste, née en 1804, et qui n'a pu s'imposer au sein d'un patriarcat dominant qu'à travers ce subterfuge.
La dimension de ce titre « POOJA,SIR » est donc politique. Tout comme le contexte dans lequel se déroule le film, toujours présent en arrière-plan : la révolte d'une partie de la population du sud du Népal, les Madheshi, visiblement victimes de ségrégation de la part des populations du nord, sur fond de discrimination entre castes. Les révoltes sont sévèrement réprimées lors d'incidents survenus en 2007 dans la plaine du sud. A un moment où le Népal, après la signature d'un accord de paix avec les maoïstes et la mise à l'écart du roi, tente de se reconstruire, les Madheshi revendiquent la reconnaissance de leurs droits civiques et un terme mis à la ségrégation entre citoyens du nord et ceux du sud. Le déroulement de l'enquête menée par Pooja sur le kidnapping des deux enfants n'est en définitive qu'un prétexte à donner une dimension émotionnelle et affective à ce film hautement politique.
Étant donné les différences de mentalités, et sociétales, entre le Népal et nous, occidentaux, on a quelques réserves à s'identifier aux personnages, ce qui donne à ce film davantage une dimension de témoignage et ne lui permet pas de prétendre à une universalité. Pour autant, il nous pousse à nous ouvrir à des fonctionnements de société qui nous sont étrangers. Osons la curiosité !
Film vu le 7 août au cinéma L'Utopia Manufacture à Avignon.
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