Rencontre avec Rémi Couturier et Thibaud Pommier pour la pièce Tout contre la terre
Pour le Festival d'Avignon, la pièce Tout contre la terre s'installe à La Factory - Théâtre de l'Oulle. Adaptée du témoignage de Camille Beaurain, elle retrace le combat d'un couple d'agriculteurs face aux pressions d'un système qui les broie. Une histoire d'amour et de résilience qui aborde le sujet difficile du monde paysan. Nous avons rencontré Rémi Couturier, auteur, metteur en scène et comédien, et Thibaud Pommier, qui interprète le rôle de l'agriculteur Augustin, pour évoquer la genèse et les enjeux de cette création.
Avignon et Moi : Bonjour Rémi Couturier et Thibaud Pommier. Pourriez-vous nous présenter l'histoire de Tout contre la terre ?
Rémi Couturier : C'est l'histoire tragique d'un couple qui reprend une exploitation agricole. On sait dès le départ que cela va mal se terminer pour l'homme, et la pièce raconte le combat de sa femme pour que son mari puisse vivre de son travail et s'en sortir.
Thibaud Pommier : C'est avant tout une magnifique histoire d'amour. C'est une comédie sociétale dans laquelle on suit la relation de Camille et Augustin, et à travers eux, on voit l'évolution d'Augustin qui doit faire face à l'injustice de son métier.
Rémi, vous êtes l'auteur de la pièce. Quelle est la genèse de ce projet ?
Rémi Couturier : Il s'agit de l'adaptation du témoignage de Camille Beaurain, une histoire vraie. J'ai décidé de l'écrire un peu par hasard. Je faisais la cuisine et j'ai entendu à la télévision l'interview de cette femme. Sa manière de parler, surprenante et détonnante pour un journal télévisé, m'a interpellé. Elle était si sincère, si simple. J'ai donc acheté son livre et, en le lisant, j'ai tout de suite eu envie de raconter cette histoire. Nous suivons assez fidèlement le cheminement du livre, mais en le théâtralisant. Le sujet du suicide chez les agriculteurs peut être très lourd, nous y avons donc injecté de la légèreté, de la poésie, de la beauté et du rire pour que le spectateur passe un vrai moment d'émotions.
Qu'est-ce qui vous a personnellement poussé à aborder ce sujet, Rémi, en tant qu'auteur, et vous, Thibaud, en tant qu'interprète ?
Thibaud Pommier : Rémi m'a proposé le rôle et j'ai trouvé qu'il y avait un beau message à faire passer pour rendre hommage aux agriculteurs, qui sont majoritairement en difficulté. L'écriture de Rémi m'a immédiatement plu. Tout est bien ciselé, bien construit. On est constamment pris par l'histoire, par l'empathie, et ces situations comiques au cœur du drame permettent de maintenir cette connexion.
Rémi Couturier : Comme je le disais, c'est la rencontre télévisuelle avec Camille Beaurain qui a été le déclencheur. C'est elle qui m'a donné envie d'explorer ce que son histoire pouvait donner sur scène.
Dans l'écriture ou dans l'interprétation, avez-vous rencontré des défis particuliers ?
Rémi Couturier : Oui, il y a eu des défis d'écriture. On s'attaque à une histoire et à des personnages qui ont réellement existé. Certains ont un rôle positif dans le récit, d'autres négatif. Il faut aborder cela avec délicatesse, car ces personnes existent. J'ai essayé de garder l'essence de ce qu'elles sont dans le livre pour ne trahir personne, même si, pour moi, un personnage ou un acteur fait ensuite sa propre vie sur scène. Certains personnages sont devenus très drôles dans la pièce, je ne sais pas s'ils le sont autant dans la vie, mais l'important était de préserver leur nature fondamentalement positive.
Thibaud Pommier : Pour le personnage d'Augustin, qui a vraiment existé, je n'ai pas cherché à "être" lui. J'ai plutôt tenté de comprendre en profondeur le métier d'agriculteur, ce que cela implique physiquement et émotionnellement. Je me suis rapproché de moi-même pour trouver les ressorts. Il y a une vraie difficulté à se mettre dans la peau d'un personnage dont on connaît le destin tragique. C'était un travail profond et exigeant.
Si vous deviez résumer la pièce en trois mots chacun, sans utiliser les mêmes ?
Thibaud Pommier : Amour, injustice, et terre.
Rémi Couturier : Humour, forte et espoir. Et je précise "forte" au féminin, car c'est la femme qui porte cette force.
Avec quel message ou quelle émotion souhaitez-vous que le public reparte ?
Rémi Couturier : Je n'ai pas d'objectif militant, du genre "il faut que les gens sortent en voulant sauver les agriculteurs". Mon but est que le public soit heureux d'être entré dans la salle et qu'il en ressorte heureux. Qu'il ait vécu des émotions, qu'il ait ri, pleuré, et passé un moment poétique et beau. C'est cela qui compte pour moi. Le message sur l'agriculture, lui, est porté par le texte et infusera naturellement.
Thibaud Pommier : Je dirais la même chose. Que le public passe un bon moment et qu'il navigue à travers plusieurs émotions. Il y a tout de même un message d'espoir, donc nous souhaitons qu'il reparte avec un sentiment positif.
Le mot "résilience" semble bien décrire cette pièce. Est-ce un terme qui vous parle ?
Rémi Couturier : C'est extraordinairement bien choisi. On nous a déjà fait cette remarque. Oui, c'est l'histoire d'une femme qui est très forte, donc le mot "résilience" est parfait. C'est le récit d'une femme qui prend tout sur elle, qui a toute la terre contre elle et contre son mari. Et alors que lui a du mal à tenir, elle, derrière, essaye de tout faire pour que les choses continuent.
On passe donc par toutes les émotions.
Rémi Couturier : Oui, car le but est de toucher à l'humanité. Et dans la vie, même lors d'un enterrement, une blague peut parfois fuser, même si l'on regrette après. Ces moments-là existent et nous essayons de traiter les choses avec cette complexité.
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