Dans le cadre du Festival Off d'Avignon, qui met cette année le Brésil à l'honneur, nous avons rencontré Hissa de Urkiola. Comédienne et violoniste, elle présente son seule-en-scène, La Fille de son Père, à l'Atypik Théâtre pour une date unique. Une pièce inspirée de son vécu qui interroge avec force et sensibilité le renversement des rôles lorsque les parents deviennent dépendants. Un témoignage sur l'amour, la patience et la transformation.
Avignon et Moi : Bonjour Hissa de Urkiola. Vous présentez votre seule-en-scène La Fille de son Père. Pouvez-vous nous en dire plus sur le sujet ?
Hissa de Urkiola : Avec grand plaisir. C'est un solo d'une heure qui s'intitule La Fille de son Père, avec comme sous-titre « Et si ton père devenait ton fils ? ». La pièce aborde le moment où, dans le meilleur des cas, nos parents vieillissent et deviennent moins autonomes. Elle est basée sur des faits réels et commence par cette phrase : « Tout ce que je voulais, c'était adopter un enfant ». C'est le point de départ d'une femme qui demande à son père de lui acheter une maison pour son projet d'adoption en tant que mère célibataire. Mais soudain, son père est victime d’un AVC. Elle se retrouve alors à devoir s'occuper de lui, inversant complètement les rôles. Je me suis rendu compte que j'avais dans mon sac des couches et de la purée, car mes parents n'arrivaient plus à mâcher. Il fallait leur donner le bain, comme à des bébés. La pièce retrace cette transformation.
Le spectacle explore donc la complexité d'être l'aidant de ses propres parents ?
Exactement. Il y a un moment où le personnage explose et dit : « Ça suffit, c'est quoi cette vie ? ». Elle se retrouve à devoir changer une sonde urinaire, ce que j'ai réellement dû apprendre à faire pour les cas d'urgence. Mais au-delà de la charge, elle vit une profonde transformation. Elle aspire à avoir du temps pour elle, pour nager, pour lire. Et à travers cette épreuve, elle apprend que plus on a de patience avec l'autre, plus on en a avec soi-même. On devient capable de comprendre la douleur de l'autre et sa propre douleur. À la fin, elle comprend que c'est en ayant de la patience avec son père qu'elle a évolué et est devenue capable d'aimer.
Vous évoquez une différence culturelle, notamment au Brésil, sur la prise en charge des personnes âgées par rapport à la France et ses EHPAD.
Oui, la problématique est différente. Historiquement, au Brésil, l'habitude voulait que les employés de maison, héritage d'une société post-esclavagiste, s'occupent des personnes âgées. Aujourd'hui, même si nous avons des maisons de retraite publiques et privées, ce n'est pas encore totalement dans les mœurs. Les gens préfèrent généralement rester chez eux s'ils le peuvent. J'ai moi-même travaillé comme comédienne dans des maisons de retraite à Paris et j'ai vu ce que c'était. Quand j'ai demandé à mes parents ce qu'ils préféraient après un court séjour dans un établissement, ils ont répondu : « On préfère être à la maison ». Je me suis donc occupée d'eux pendant cinq ans chez eux. C'était un choix personnel, pas une tradition imposée.
Si vous deviez résumer l'essence de votre pièce en quelques mots, quels seraient-ils ?
La première chose qui me vient est « l'amour ». Puis la « transformation » et le « développement personnel ». Dans notre société très matérialiste, on pense souvent qu'il suffit d'acheter un cadeau pour la fête des mères ou des pères. On apprend énormément quand on s'occupe de ses parents. Sur soi-même, sur ses propres limites de force, de patience, de dévouement. C'est viscéral, car on touche la peau, on lave. On voit ses parents, dont on garde les souvenirs d'enfance, changer et devenir autres. C'est le cycle biologique.
Quel message principal souhaitez-vous que le public retienne en sortant de la salle ?
J'ai fait une représentation dans un train pour m'entraîner, et ce que les gens ont retenu, c'est que « râler, c'est de l'auto-sabotage ». C'est une phrase de la fin de la pièce. Moins on râle, plus on a de la gratitude. Être là, avec vous, à Avignon, c'est super. Je profite de ce moment. Profiter de la vie, ce n'est pas seulement boire, manger et se promener. C'est faire du bien. Quand on se plaint de son travail, de son conjoint, de ses enfants, on gaspille sa propre énergie. En réalité, toutes les histoires peuvent être des histoires d'amour. Nous sommes là pour écrire nos propres histoires avec les autres, notre famille, le public, comme des histoires d'amour.
Cette prise en charge est une lourde responsabilité que tout le monde n'est pas en mesure ou désireux d'assumer, même au sein d'une fratrie.
Oui, et j'en parle dans la pièce. Le personnage a un frère qui ne veut pas s'occuper de leur père. Elle dit à son père : « Tu sais quand est-ce qu'il va revenir ? Pour l'inventaire ». On ne peut pas attendre les mêmes responsabilités partagées entre frères et sœurs, chacun est différent. Mais comme le dit le personnage pour se convaincre : « Je sais papa, râler, c'est de l'auto-sabotage... D'accord, mais écoute, quand tu sortiras de l'hôpital, tu viendras vivre chez moi. Quel beau regard, papa. »
Un dernier mot pour le public d'Avignon ?
Venez voir la pièce ! C'est une date unique, le mardi 8 juillet, avec deux représentations à 14h00 et 18h00. Le spectacle dure une heure. Je joue du violon, je chante du carnaval et de l'opéra, je danse... Il se passe beaucoup de choses. C'est un moment pour s'amuser, mais aussi pour repartir avec de beaux messages. Après cette date, je repars au Brésil.
Informations pratiques :
Interviewé par Mathilde Pallon et Fabien Dworczak.
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