Entre histoire, peinture et secrets de famille, la pièce "Élia, généalogie d'un faussaire" traverse le XXe siècle sur les traces d'un homme à l'identité trouble. Nous avons rencontré l'auteur et interprète principal, Jean-Loup Horwitz, ainsi que les comédiens Magali Bros et Gabrielle Lazure, qui nous dévoilent les coulisses de cette création. Le spectacle est à l'affiche du Théâtre du Petit Chien pour le Festival d'Avignon.
Avignon et Moi : Pour commencer, pouvez-vous nous présenter la pièce ?
Jean-Loup Horwitz : C'est l'histoire d'un homme qui se fait appeler Alain. Il n'a pas connu ses parents, a été abandonné pendant la guerre et s'est élevé comme il a pu. La peinture s'est révélée à lui, puis il est devenu faussaire quand il a compris que c'était plus lucratif que ses propres toiles. À un âge avancé, sa vie est bouleversée par l'arrivée d'une femme, une Américaine qui vient semer le trouble en lui révélant : "Vous ne vous appelez pas Alain, mais Élia, et je peux vous raconter votre histoire." La pièce suit ces deux personnages, ainsi que les neuf autres interprétés par Magali, à travers la vie de cet homme et l'Histoire du XXe siècle. On traverse la période d'avant-guerre, la Seconde Guerre mondiale, la reconstruction... C'est une histoire pleine de tendresse et d'humour, car la vie est aussi drôle.
Qu'est-ce qui vous a poussé à écrire sur ce sujet ?
Jean-Loup Horwitz : C'est un sujet qui me plaisait car j'adore la peinture et ces parcours de vie. Je voulais aussi travailler sur la transmission et les conséquences des grandes catastrophes. Ce qui arrive à Alain Le Monnier, alias Élias Raminovic, est une histoire universelle qui fait écho à celle de tant d'enfants déplacés, hier comme aujourd'hui. Le nazisme est le point d'orgue de cette histoire, mais le propos s'applique à de nombreuses situations. Une vie qui n'est pas à sa place reste une vie qui n'est pas à sa place. C'est un thème lié à la psychogénéalogie qui me fascine : comment un homme qui est "à côté de la plaque" peut-il se retrouver ? Voilà ce que j'avais envie de raconter.
Quels ont été les défis de l'interprétation pour vous, comédiens ?
Gabrielle Lazure : Ce qui est amusant, c'est que Jean-Loup a écrit la pièce sans me connaître. Par un heureux hasard, le personnage que j'incarne est Américaine et son mari vient de Montréal, ce qui créait des passerelles inattendues avec mon propre parcours.
Jean-Loup Horwitz : C'est le hasard qui n'existe pas ! Je n'aurais pu rêver d'une comédienne plus à sa place. Le défi de Magali était d'interpréter neuf personnages différents : toutes les femmes de la vie de mon personnage, à travers diverses époques et avec des tempéraments très variés.
Magali Bros: Techniquement, les changements rapides sont un enjeu. En lisant la pièce, on se dit : "Wow, elle apparaît pour trois phrases, puis elle est déjà un autre personnage". Mais c'est un défi très amusant à relever.
Jean-Loup Horwitz : Et tout cela est orchestré par notre metteur en scène, Léonard Matton, que nous adorons pour son inventivité et son imagination. La coïncidence a voulu que son père fût peintre. C'est la plus belle équipe dont je pouvais rêver.
Magali Bros : Léonard est aussi un grand cinéphile, son père était également réalisateur. Je trouve que sa mise en scène est empreinte de cette culture cinématographique, ce qui amène une grande richesse au spectacle. Il faut aussi mentionner les très belles lumières créées par Dana Zoppi.
Si chacun de vous devait choisir un mot pour représenter la pièce ?
Jean-Loup Horwitz : Aventure.
Gabrielle Lazure : Générosité.
Magali Bros : Tendresse.
Qu'aimeriez-vous que le public retienne en sortant de la salle ?
Gabrielle Lazure : Qu'on peut se relever de tout. Le plus important, ce sont les liens que l'on tisse et ce que l'on partage. On peut se remettre de son enfance, quelle qu'elle ait été.
Magali Bros : Et l'importance de dire les choses. C'est la seule façon d'avancer. Rompre les silences et les secrets de famille est une manière de se libérer et d'aller mieux.
Jean-Loup Horwitz : J'aimerais que les spectateurs repartent avec le sourire du cœur, celui de l'émotion d'avoir partagé un moment. Nous racontons une très belle histoire.
L'écriture de cette histoire a-t-elle nécessité un long travail de recherche ?
Jean-Loup Horwitz : Oui, car je travaille beaucoup à partir de lectures. Je m'inspire de nombreuses choses. Certains reconnaîtront des éléments de la vie de peintres comme Soutine ou Chagall. Il y a aussi bien sûr des témoignages de personnes revenues des camps de concentration, et des récits d'enfants abandonnés. L'élément déclencheur fut un documentaire où une journaliste retrouvait un homme aux États-Unis, qui avait été abandonné à Paris sans connaître ses parents. Quand elle lui a proposé de lui parler d'eux, sa fille, à côté, a insisté. On les retrouve ensuite dans l'appartement familial à Paris, et cet homme est bouleversé de comprendre enfin son histoire. C'est cette idée de réparation, de solution, que je trouve belle et qui m'a poussé à écrire cette pièce.
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