La porte de la loge se referme. Pour Tony, gardien d’immeuble en HLM, l’heure de la retraite a sonné. Mais comment quitter une vie entière, des résidents devenus une famille, ces « clients » comme le dit froidement l'administration ? Refusant l'inéluctable, il s'enferme une dernière fois dans son petit royaume pour convoquer les fantômes du passé et les visages qui ont marqué son existence.
Loin du cliché du concierge fouineur, Tony s'est imposé comme le confident et l'ange gardien de sa résidence, un bastion d'humanité face à une société qui s'individualise. Ce seul-en-scène, nourri de témoignages réels de gardiens parisiens, met en lumière cette profession de l'ombre. À travers les anecdotes de son quotidien, comme l'histoire de la jeune Luna, et les réminiscences de son enfance en Algérie, se dessine le portrait d'un homme déraciné. On y découvre les drames de l'exil et la solitude qui a suivi le départ de sa femme, qui partageait sa vie comme son métier.
Seul en scène, Pierre Forest incarne ce personnage avec justesse. Par la seule force du verbe et une présence magnétique, il nous fait passer du rire aux larmes avec une aisance déconcertante. Les anecdotes, tendres ou poignantes, sont sublimées par un humour qui désamorce le mélodrame, que ce soit par une interrogation sur ses « 70 balais » ou l'invention de métiers absurdes comme « douanier sans frontières ». La mise en scène, sobre et intelligente, sert le propos, laissant toute la place à la puissance du texte pour révéler la richesse insoupçonnée de ce quotidien.
Cette pièce est une ode au temps qui passe, à la mémoire et à la dignité des « invisibles ». Une pépite d'humanité, puissante et nécessaire, à découvrir durant le Festival Off d’Avignon 2025.