Comédien récompensé d'un Molière et homme de textes, Pierre Forest remonte sur scène pour Solitude d'un ange gardien , un monologue qui sera présenté au Festival d'Avignon 2025. Il y incarne Tony, un gardien d'immeuble à l'aube de la retraite qui, pour conjurer la séparation, se raconte à travers les vies de ses locataires. Un rôle d'« ange gardien » qui semble faire écho à la personnalité de l'acteur, lui qui affirme dans notre entretien ne pas rêver d'être en haut de l'affiche, mais de « juste pouvoir jouer ses textes ».
Alors qu'il nous confie puiser son inspiration dans le quotidien pour « nourrir le théâtre de la vie », ce nouveau personnage, inspiré de dizaines de témoignages réels, s'inscrit parfaitement dans sa démarche. Rencontre avec un acteur pour qui, après 55 ans de carrière, l'essentiel reste la curiosité et le désir de donner vie aux mots.
Quel a été l’élément déclencheur qui vous a donné envie d’être comédien ?
Pierre Forest : Oh là là, vous me faites remonter très loin ! À l’époque, je faisais des études de littérature. Je lisais énormément de textes et, à force, j’ai fini par ressentir un manque. Analyser des œuvres, c’était intéressant, mais ce que j’aimais, c’était de me les raconter à voix haute. Quand il y avait des dialogues à lire, on se mettait à les jouer spontanément. Par la suite, j’ai pris une option théâtre, puis je me suis inscrit à un cours d’art dramatique. Au début, j’avais peur ; je ne sais pas si j’ai eu une envie farouche de devenir comédien, mais en tout cas, je voulais jouer des textes ! Je ne veux pas être un comédien qui rêve d’être en haut de l’affiche, je veux juste pouvoir jouer des textes.
Dans vos débuts, est-ce que vous avez eu des mentors ou des figures qui vous ont inspiré ?
Pierre Forest : Bien sûr ! Les inspirations viennent au fil du temps. Mais l’un des premiers fut Laurent Terzieff, un grand comédien de théâtre et de cinéma que j’ai suivi pendant des années. Durant ma carrière, j’ai joué avec beaucoup de gens avec qui je me suis très bien entendu. Et je pense à une personne en particulier, Michel Bouquet, avec qui je suis resté en contact durant 10 ans et qui a été, en quelque sorte, mon second professeur. Les premières inspirations, ce sont d’abord celles du quotidien. Moi, je m’inspire beaucoup de ce que je vois dans la vie. Le théâtre se nourrit de lui-même, mais c’est de la vie que je me nourris.
Avant de monter sur scène, comment vous vous préparez ? Comment vous rentrez dans votre rôle ?
Pierre Forest : Je ne rentre pas dans un rôle. Il n’y a pas de rôle dans lequel on rentre réellement. Je ne me transforme pas, je porte juste un costume et parfois il est identique à celui de la vie. Il faut juste être calme et avoir suffisamment travaillé en amont. Je me mets dans un coin, je respire profondément et j’attends. Par contre, quand on est plusieurs sur scène, c’est différent car on s’échauffe ensemble, on se stimule.
Y a-t-il un rôle qui vous a particulièrement marqué ?
Pierre Forest : Oui, plusieurs ! J’ai joué Festé, le bouffon dans La Nuit des rois de Shakespeare. Ce personnage est à la fois fou, philosophe et chanteur. C’était un rôle magnifique ! J’ai aussi interprété de très grands rôles comme Monsieur de Pourceaugnac ou Don Juan. Ce sont des rôles que j’ai beaucoup aimés. J’ai aussi rencontré Mohammed Kacimi pour La Confession d’Abraham, que j’ai jouée pendant 3 ans. J’ai aussi eu la chance de travailler avec Alexis Michalik. J’ai eu un Molière pour Edmond, que j’ai aussi jouée pendant trois ans.
Avez-vous un rôle que vous rêveriez de jouer ?
Pierre Forest : Non, je n’ai pas de rôle rêvé. C’est toujours la prochaine pièce qui m’intéresse. Je ne sais pas encore laquelle, mais elle viendra.
Comment voyez-vous votre avenir ?
Pierre Forest : Après 55 ans de carrière, il s’agit surtout de continuer malgré le corps qui commence à fatiguer… Donc mon objectif, c’est de durer, de continuer à faire des choses tant que le corps suit. J’aime les textes, mais je n’ai plus cette envie folle de tout vouloir jouer, mais j’ai des projets. Par exemple, je pourrais jouer Sancho Pança dans Don Quichotte, avec un comédien que j’apprécie beaucoup. J’aimerais aussi composer quelque chose de plus personnel, une sorte de compilation de poèmes et de scènes. Je collabore avec un dramaturge pour un projet sur mesure.
Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui souhaiterait devenir comédien ?
Pierre Forest : Je pourrais lui dire « Arrête tout de suite, la place est prise ! » (rire). Plus sérieusement, il ne s’agit pas que de savoir jouer. Il faut d’abord ne pas rester seul car le théâtre est un art collectif : on écrit seul, mais en général on joue en groupe. Il faut aussi lire beaucoup de scénarios, de cinéma, de théâtre ou de poésie. Lire aussi des classiques, mais avoir un rapport à l’écrit solide. Le plus important ! Être curieux ! Bouffez du cinéma et du théâtre !