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Françoise de Seytres-Piévert : l'héritage d'une "Demoiselle" au grand cœur

Dans le grand livre de l'histoire de Caumont-sur-Durance, certaines pages brillent d'une lueur particulière. Celle de Françoise de Seytres-Piévert en fait partie, une femme dont le nom résonne encore aujourd'hui avec respect et affection au cœur du village. Son histoire est celle d'une noble provençale qui, par ses choix et son dévouement, a laissé une empreinte indélébile.

Françoise de Seytres-Piévert
30 Mai 2025 à 17h13 Par Mathilde P.
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Aux racines d'une vocation : l'ascension d'une famille provençale

L'histoire de la famille de Seytres prend racine dans la Drôme. Un tournant majeur survient avec le mariage de J.B. de Seytres et de la dauphine de Spifami. Cette dernière, nièce de l'évêque d'Avignon, apportait dans sa dot la moitié de la seigneurie de Caumont. Ainsi, les jeunes époux devinrent coseigneurs de Caumont-sur-Durance, une union illustrant leur habile insertion dans les réseaux de pouvoir locaux, tant seigneuriaux qu'ecclésiastiques.

Vers le milieu du XVe siècle, la famille s'installe à Avignon. Leurs affaires bancaires prospéraient, leur assurant une position sociale et économique enviable. Les coffres se remplissaient, les portes des grandes maisons s'ouvraient, et le nom de Seytres gagnait en prestige. Au fil des générations, d'autres alliances stratégiques, notamment avec la famille Pérussis, riches banquiers florentins qui détenaient l'autre moitié de Caumont, renforcèrent leur emprise. Grâce à ces unions, les Seytres consolidèrent leur pouvoir sur le village entier, une mainmise qui perdurera durant de longues générations.

C'est dans ce lignage que naît Françoise de Seytres-Piévert. Elle était rattachée au fief de Piévert, une possession familiale distincte de la seigneurie principale de Caumont, la plaçant en marge de la ligne de succession directe. Cette position singulière lui offrait une autonomie précieuse, une liberté de choix quant à sa propre vie, loin des impératifs matrimoniaux qui dictaient souvent le destin des femmes de la branche aînée. Un avantage dont elle saura admirablement user.

Le destin d'une "Demoiselle" : un chemin hors du commun

Issue de la noblesse provençale, Françoise fit un choix audacieux pour son temps : celui du célibat. Ce statut lui valut le surnom respectueux de "Demoiselle", à une époque où le mariage était la voie quasi obligée, surtout pour les femmes de sa condition. Célibataire, et à la tête d'un patrimoine personnel conséquent, elle jouissait d'une liberté d'action et de décision rare pour une femme du XVIIIe siècle.

Plutôt que de se conformer aux attentes, elle choisit de consacrer ses ressources financières et son énergie à des causes qui lui tenaient à cœur : le soutien aux plus démunis. Parmi ses biens figuraient la "Chapelle Notre-Dame des Pauvres" et plusieurs immeubles, dont une remarquable "maison aux fenêtres à croisée Renaissance". Menant une vie que l'on devine paisible, c'est un profond altruisme qui la guida vers ceux que la société laissait souvent pour compte, s'engageant dans des actions concrètes et pensées pour durer.

Son regard se tourna plus particulièrement vers les femmes pauvres et malades, ainsi que vers les jeunes filles en situation de précarité, celles privées de soutien familial ou de moyens de subsistance. Peut-être son propre statut de "Demoiselle", de femme non mariée, la rendait-elle particulièrement sensible au sort de ces jeunes filles sans perspectives d'avenir. Les archives nous apprennent qu'elle s'éteignit en février 1762. Si sa vie philanthropique est bien documentée, d'autres pans de son existence demeurent enveloppés de mystère, laissant place à l'imagination.

Des actes plus forts que les mots : l'engagement d'une vie

Animée par une compassion tangible, Françoise de Seytres-Piévert n'hésita pas à transformer l'une de ses maisons en un modeste hôpital, un havre de paix pour les femmes pauvres et malades du village. Ce geste, personnel et direct, témoignait de sa volonté de mettre ses biens au service du bien commun, apportant une réponse concrète à la détresse sociale qui l'entourait.

Plus encore, elle fonda un foyer destiné à accueillir et à éduquer les jeunes filles démunies. Il ne s'agissait pas seulement de leur offrir un toit, mais aussi les outils nécessaires pour se construire un avenir. Cette vision globale, alliant hébergement, soins et éducation, révélait une compréhension fine des leviers permettant d'améliorer durablement la condition des plus vulnérables. Son foyer et la chapelle devinrent ainsi des points d'ancrage physiques et spirituels au cœur de la vie du village.

Sentant peut-être sa fin approcher, Françoise prit une décision capitale en 1762 : par testament, elle légua ses biens au village de Caumont-sur-Durance, avec le souhait ardent que son œuvre de charité lui survive. C'est cet acte fondateur qui permit à son action de traverser les siècles et qui explique pourquoi sa mémoire demeure si vivace aujourd'hui.

Un héritage vivant : quand le souvenir devient célébration

Aujourd'hui, la mémoire de Françoise de Seytres-Piévert est honorée avec ferveur par la communauté de Caumont, à travers des célébrations joyeuses et une reconnaissance officielle. Chaque année, au mois de septembre, le village s'anime pour la "Fête de la Demoiselle", un hommage à Françoise et à son dévouement envers les femmes. On raconte qu'elle-même aurait exprimé le vœu d'une reconnaissance posthume lors de la fête de Notre-Dame des Pauvres, célébrée le troisième dimanche de septembre.

Cette tradition est intimement liée à la chapelle Notre-Dame des Pauvres qui lui appartenait. Si quelques libertés ont été prises avec le temps, l'esprit de l'hommage initial demeure intact. La "Fête de la Demoiselle" est un savant mélange de ferveur religieuse, avec une messe solennelle, et de traditions provençales authentiques, comme la bénédiction des chevaux et l'abrivado. Ce mariage entre commémoration historique et festivités populaires assure la vitalité de cet hommage, transmis de génération en génération.

Symbole fort de son empreinte durable, l'actuelle mairie de Caumont-sur-Durance se dresse sur les lieux mêmes où se situaient autrefois son foyer et sa chapelle. Une page lui est également consacrée sur le site internet officiel de la mairie, ancrant sa figure dans le patrimoine officiel à l'ère numérique. Françoise bénéficie ainsi d'une commémoration à la fois festive, tangible dans l'espace public, et informative.

Une lumière qui ne s'éteint pas

Françoise de Seytres-Piévert, affectueusement surnommée "la Demoiselle", demeure une figure emblématique de l'histoire sociale et du patrimoine de Caumont. Son engagement, incarné par la création de son hôpital et de son foyer, révèle une conscience sociale aiguë et une volonté d'agir concrètement face aux injustices. En léguant ses biens à la communauté, elle a ingénieusement assuré la pérennité de son œuvre bienfaitrice, bien au-delà de sa propre vie.

Chaque année, lorsque le village célèbre la "Fête de la Demoiselle", ce n'est pas une simple relique du passé que l'on honore, mais le témoignage d'un choix communautaire : celui de se souvenir, de valoriser et de transmettre l'héritage lumineux de cette femme d'exception. Françoise de Seytres-Piévert incarne un modèle inspirant de philanthropie féminine, profondément ancrée dans son terroir. Issue de la noblesse, elle a choisi la voie du célibat et a mis sa fortune et son influence au service des plus fragiles, une décision qui force l'admiration.

Elle reste l'exemple rayonnant d'une femme noble qui a su utiliser sa position et ses moyens pour le bien commun, léguant un héritage philanthropique et mémoriel qui continue, aujourd'hui encore, d'enrichir l'âme et l'identité de Caumont-sur-Durance.

Photo : Site de Caumont-Sur-Durance

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Article de : Mathilde P.
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