Rebetiko raconte l’histoire de la grand-mère du metteur en scène, Yiorgos Karakantzas. En voyant l’arrivée de réfugiés dans sa ville, elle se remémore sa propre fuite de Smyrne (Turquie), ravagée par les flammes en 1923. Accessible au public dès 9 ans et d’une durée d’une heure, cette pièce de théâtre est un mélange fascinant de plusieurs éléments : le rebetiko, les marionnettes et le Pepper’s Ghost.

La bande-son de l’exil : le Rebetiko
Le rebetiko, ce folklore musical grec, domine la pièce et la marque de son empreinte sonore unique. Surnommé le « blues grec », ce chant populaire émerge dans les années 1920 dans les quartiers populaires. Il est fortement influencé par les sonorités orientales, notamment avec l’arrivée de vagues de réfugiés hellénophones expulsés d’Asie Mineure à la suite de la guerre gréco-turque, comme l’illustre le récit de la grand-mère. Ce style musical est toujours d’actualité puisqu’il a été inscrit au patrimoine immatériel mondial de l’UNESCO en 2017.
Dans Rebetiko, cette musique devient la véritable bande sonore de l’exil et du déracinement, agissant comme la mémoire auditive de ces populations déplacées. Sur scène, le rebetiko est interprété par un musicien à l’aide de deux instruments : la laterna et le bouzouki (une sorte de guitare).
Pour qui n’est pas familier avec ce genre musical, la découverte peut être marquante. Ses sonorités étranges ne ressemblent en rien au style européen habituel. On pourrait même parler d’une confrontation de genres pour l’oreille occidentale, lorsque l’Orient vient frapper à la porte de notre culture. Reste à savoir si cette rencontre musicale saura vous séduire ou non.
Une illusion au service de la mémoire : le Pepper’s Ghost
Le Pepper’s Ghost ou « fantôme de Pepper », une illusion inventée au XIXe siècle, consiste à faire apparaître, disparaître ou rendre transparent des objets ou des personnes, donnant l’impression d’une apparition spectrale. Sur scène, cela crée une fascinante illusion d’optique, parfois en 2D, parfois en semi-3D.
Son emploi dans Rebetiko n’est pas un simple gadget, mais un outil fondamental qui permet de lier le passé au présent, et la réalité au souvenir. Il enrichit la scénographie et le récit avec une grande poésie, traitant du thème central du spectacle : l’exil et la mémoire.
Des projections holographiques en noir et blanc, voire sépia (le récit est assez sombre, les couleurs sont donc absentes), se mêlent aux marionnettes. Ces images apparaissent comme des souvenirs, des fantômes du passé ou des rêves qui flottent autour des personnages. Le Pepper’s Ghost permet ainsi de donner forme aussi bien aux moments dramatiques qu’aux instants de douceur liés à la mémoire de l’exil. Sur scène, les marionnettes réelles côtoient les projections illusoires avec une fluidité déconcertante.
Ce spectacle est une belle démonstration de la façon dont le théâtre contemporain parvient à mélanger les disciplines : marionnettes, musique et arts visuels. Les artistes nous offrent une clé pour voyager entre le temps présent et la mémoire douloureuse, mais ô combien poétique, de l’exil forcé. C’est un récit sombre, mais sa richesse et son inventivité technique méritent amplement d’être vues.
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