Marguerite Romeuf - Critique Culture
Immergée dès sa naissance dans un univers artistique par une mère danseuse et un père acteur, Marguerite Romeuf, de son nom de comédienne Marie-Line Rossetti, développe le goût et la curiosité pour la création en théâtre contemporain et classique, en danse, opéra et peinture.
Adaptation libre de L’Étranger d’Albert Camus par Jean-Baptiste Barbuscia. Lorsque l’enfant paraît dans une famille d’artistes, il arrive que la Bonne Fée des Arts se penche sur son berceau... Sans nul doute, ce fut le cas pour Jean-Baptiste Barbuscia.
Son adaptation du roman, qu’il a baptisée L’Étrangère, est une bouffée d’oxygène : une ode à Marie Cardona, maîtresse de Meursault (personnage central du roman de Camus). Cette jeune femme, expressive et ouverte, se situe aux antipodes du caractère de Meursault.

Dans une mise en scène dynamique et rythmée, un langage direct et jeune, Jean-Baptiste Barbuscia a su absorber la substantifique moelle du génie de Camus, injectant des passages de L’étranger au sein des dialogues. Mélange subtil des deux langues, la sienne et celle de Camus.
Il signe, par cette adaptation, un chef d’oeuvre contemporain, servi par deux artistes de talent dont l’interprétation est magistrale ! Je nomme : Marion Bajot et Fabrice Lebert.
La scénographie joue la carte de l’efficacité : une table au centre du plateau, faisant office de bureau, avec une lampe et des livres posés dessus ; à Jardin deux fauteuils hauts ; en fond plateau, en grosses lettres bâton collées en arrondi, figure le mot ETRANGE.
Très vite Fabrice Lebert ira coller la lettre R, ce qui donne ETRANGER. On comprend qu’il est prof. Voilà qui est clair, c’est bien de L’étranger d’Albert Camus dont il est question dans son cours.
Il attend ses étudiants, qui tardent à arriver...Lorsque surgit depuis la salle Marion Bajot, la seule élève qui se présente, en retard.
« Vous êtes la plus mauvaise » lui dit le prof.
« Je suis la seule qui vient ! » rétorque-t-elle.
Le ton est donné. Qui s’avèrera le plus médiocre des deux ?...L’élève...ou le prof ?
Pour sûr, ce prof va se faire bousculer dans ses habitudes intellectuelles et ses convictions !
« En vrai, ça me saoule, on parle que des hommes » lui lance-t-elle à propos du roman L’étranger.
« Parlons de Marie Cardona » affirme-t-elle.
Et c’est parti pour une enquête ! Le mur en fond plateau fait office de support à l’enquête qu’elle décide de mener, entraînant son prof dans son délire de jeu de rôles des personnages du roman de Camus.
« C’est pas pour vous froisser, monsieur, mais je suis pas impressionnée de ouf »...le public rit.
L’insolence naïve de cette étudiante, merveilleusement interprétée par Marion Bajot, fait mouche auprès d’un public venu nombreux. La salle du Benoît XII est pleine. Beaucoup d’adolescents sont présents, accompagnés de leurs profs. Ils sont à la fois très réceptifs et très réactifs à toutes les subtilités d’humour contenues dans le texte de Jean-Baptiste Barbuscia.
Fabrice Lebert, qui joue le prof, campe avec talent les divers personnages du roman. Une véritable prouesse ! Une leçon d’art dramatique !
Les aller-retours entre l’écriture de Jean-Baptiste Barbuscia et celle de Camus se multiplient, se mêlant à merveille.
L’écriture de Jean-Baptiste Barbuscia est soutenue, la mise en scène rythmée, efficace. Le jeu des deux artistes sublime le tout.
L’humour se mêle à la poésie de certains passages.
Dans l’épisode qui se déroule sur une plage, Sébastien Lebert à la création Lumières, nous offre une image magnifique ! Le sable étant symbolisé par un immense drap blanc étendu sur tout le plateau. La lumière est chaude, jaune, évoquant le soleil. Son travail est à saluer, ainsi que celui de Benjamin Landrin, chargé de la création musicale. Tous deux, chacun dans son domaine, habillent ce spectacle d’esthétisme et de finesse.
Au final, l’enquête aboutit, l’énigme est résolue.
Le dénouement nous réserve une surprise touchante, une chute qui séduit le public.
Un tonnerre d’applaudissements salue cette Etrangère, qui sera à découvrir ou à revoir au Festival Off 2026 au Théâtre du Balcon , 38 rue Guillaume Puy.
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