L’histoire de Francé, c’est avant tout la coexistence de récits contradictoires, et d’une quête d’assimilation de sa double culture, et des valeurs qui en découlent. Mais c’est aussi le malaise qui s’installe quand on apprend la promesse républicaine qui perd de sa valeur face à l’exploration de cette double culture.
Aller à la rencontre de Lamine et Raymond, c’est se réapproprier ce qu’est d’être français ; c’est rendre la traversée d’une double identité plus sereine et la possibilité de s’identifier dans un contexte politique fracturé qui appelle à l’effacement de sa différence.

De la volonté de comprendre leur héritage, Lamine Diagne et Raymond Dikoumé nous livrent un puissant récit aux souvenirs enfouis dans la pénombre. C’est dans une cave que nos deux protagonistes se retrouvent bloqués, avant d’explorer les lieux. Au fur et à mesure du récit, on rencontre deux jeunes hommes aux histoires qui rejoignent une même conclusion. Ils interagissent différemment avec leur héritage, Lamine semble curieux et vif à l’idée d’en apprendre davantage, quand Raymond semble mal à l’aise et préférerait éviter de s’y plonger. On comprend les marques de l’un, proche de son histoire, qui préfère s’en tenir à ce qui lui a été restitué - souvent de façon fragmentée - quand l’autre, moins au fait et surtout curieux d’en apprendre davantage, découvre son histoire au fil des heures à attendre que la porte s’ouvre.
Cette cave représente l’immensité de l’histoire indigène, maintenus sous clé par le récit colonial français. A l’image des deux personnages à l’héritage métissé, on glisse entre les lignes d’une histoire que nombre de pays colonisés ont connus. Sur scène, les comédiens oscillent entre récits partagés et chaos, représentés par des voix divines et des bruits d’éboulements, mis sous jeux de lumières.
Raymond né en banlieue parisienne de parents arrivés du Cameroun il y a 40 ans et Lamine né à Lyon d’une mère française qui l’élève en province, les deux hommes grandissent avec une perception de leur héritage complexe, la pièce évoquant la fracture d’une double culture, qui s’entrechoque elle-même par l’Europe coloniale “dans sa toute puissance” pour reprendre leurs mots. C’est un moment dédié pour rendre le sujet de la colonisation ancré dans le temps et l’histoire, et le reconnaître comme tel, marqueur de drames et de non-dits dans les civilisations, certaines millénaires, comme c’était le cas du Cameroun. C’est aussi un récit ô combien nécessaire pour avoir un espace de vie et de représentation pour les personnes afro-descendantes, à mesure que, doucement, le théâtre devient un espace plus populaire. Une oeuvre magistrale exécutée à merveille par Lamine Diagne et Raymond Dikoumé que nous nous réjouissons de croiser à nouveau !
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