On suit l’évolution d’un territoire sous le verrou de la puissance coloniale française. Le point de vue est d’autant plus intéressant qu’il associe d’abord celui des enfants d’un français amené en mission en Nouvelle-Calédonie, celui de la narratrice Kanak qui prend la figure du peuple ici, ainsi qu’une des deux enfants citées, à présent d’une quarantaine d’années, introduisant le propos et rendant le tout ancré dans le temps, celui de notre époque. Des mots de la compagnie en scène pour cette pièce, on reconnaît ici que “l’histoire avec un grand H n’a de sens que dans l’émotion qu’elle crée en chacun de nous”. Et par le message politique que revêt cette œuvre, on ne peut en ressortir sans s’interroger sur notre place à tous et nos leviers d’action, dans une France exerçant une pression sur la Kanaky qui promet depuis plus de 40 ans une autodétermination possessive.
Un récit touchant qui se veut objectif et humanisant sur la condition de toute la population Kanak qui résonne particulièrement dans la scène politique actuelle, accessible à un public adolescent.

On voit un père déterminé à mener à bien sa mission, deux enfants déboussolées par la violence des événements retrouvées jusqu’à la cour de récréation, sans même parler du peuple Kanak voyant ses terres et ses dirigeants discuter de la légitimité du peuple autochtone à s’autogérer, chez eux.
La petite fille ayant grandi, ô combien consciente de l’héritage laissé par sa famille qu’elle porte en elle, et proche d’une figure indépendantiste Kanak, sa famille se lie d’amitié avec Jean-Marie Tjibaou. La particularité de sa position, c’est son rôle, vice-président du conseil au gouvernement, il doit jouer de ses positions diplomatiques pour revendiquer son message à l’autodétermination de la Kanaky tout en tamisant son discours pour faire évoluer la situation qui se veut d’ores et déjà très tendue. On suit les filles de son ami, sous le prisme de leur regard pure sur la situation et des interrogations légitimes que cela pose aux enfants de cette Kanaky conflictuelle depuis l’arrivée des Caldoches sur le territoire.
Un jeu très apprécié par l’authenticité des personnages, par la portée autobiographique de l’histoire, qui aide d’autant plus à en saisir les émotions traversées au fil des événements tragiques. Les perspectives différentes sont mises en scène brillamment par les dimensions de l’espace : les postures fixes, les zones prédéfinies dans la scène et projection devant les comédiennes des images d’archive de l’époque. On découvre ou redécouvre les méthodes des colons sur le territoire, mettant pression pour rester sur le territoire et imposer ses règles : indigénat puis territoire d’outre-mer. Quarante ans plus tard, c’est le Front de Libération de la Kanaky que nous suivons avec ses catastrophes et la mort de Jean-Marie Tjibaou, au moment de la commémoration en mémoire des morts indépendantistes. Un assassinat politique qui revêt la fracture d’une Kanaky occupée, et touche toute une population, à travers les regards d’enfants des deux comédiennes.
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Avignon et Moi > Catégorie : Critiques > Article : Kanaky 1989