Immergée dès sa naissance dans un univers artistique par une mère danseuse et un père acteur, Marguerite Romeuf, de son nom de comédienne Marie-Line Rossetti, développe le goût et la curiosité pour la création en théâtre contemporain et classique, en danse, opéra et peinture.
On pénètre dans cette Galerie par une petite pièce aux allures de librairie...on est tenté de l'appeler « La petite librairie », un clin d’œil à l'émission télévisée. Mais tout de suite, on emprunte un court escalier qui nous plonge dans l'exposition. Des murs blancs, ornés de tableaux de toutes tailles, ainsi que de photographies. Des pièces en enfilade. On passe par des alcôves. Dans l'une des pièces, qui s'ouvre par des grilles en fer forgé, dont les murs et le plafond sont peints en gris foncé, se trouvent une vieille machine à coudre, à pied, et dans un coin, un fauteuil rouge. Aux murs, des œuvres. On est ailleurs, sous le charme à la fois de cette pièce, de sa décoration, et des tableaux qui y sont exposés.
La Galerie, appelée Ateliers Agora , sans doute en référence au grec antique qui nommait ainsi tout espace réservé aux activités collectives, politiques, religieuses, commerciales, ou culturelles, se veut ouverte à tous les talents, de tous âges. Elle organise, entre autres, des expositions de dessins d'enfants. L'accueil y est chaleureux.
Je profite de ce vernissage pour y rencontrer les 4 artistes. Deux d'entre eux, peintres, se revendiquent du courant Expressionniste.
C'est un courant artistique figuratif apparu au début du XXème siècle en Europe du Nord, en particulier en Allemagne. Il a influencé la peinture, l'architecture, la littérature, le théâtre, le cinéma, la musique, et aussi le monde de la danse. En son temps, le régime nazi l'a considéré comme un « art dégénéré » et l'a condamné.
L'Expressionnisme prône une projection d'une subjectivité, qui tend à déformer la réalité pour provoquer chez le spectateur une réaction émotionnelle intense. Cette déformation du réel autorise l'artiste à une plus grande intensité expressive.
C'est un mouvement qui a été nourri du pessimisme et de l'angoisse liés à l'époque, à partir de 1880 avec la révolution industrielle, jusqu'au début du XXème siècle, atteint par les crises sociales et la menace de guerre imminente de 1914-1918. D'autre part, la psychanalyse naissante lui a inspiré un attrait pour le symbolisme.
Dans l'idée que la modernité creuse sa propre tombe, le nihilisme des expressionnistes les porte à s'émanciper du sujet, pour soumettre l'oeuvre aux états d'âme de l'artiste. Il rompt avec l'Impressionnisme de l'époque par l'utilisation de formes agressives, de lignes acérées, et de couleurs violentes. L'Expressionnisme s'inscrit dans la continuité du Fauvisme qui commence à s'épuiser. Par son nihilisme et son rejet des conventions, ce mouvement flirte avec l'Anarchisme.
On peut considérer qu'il aura ouvert la porte au Surréalisme, né du mouvement Dada après la première guerre mondiale, dès 1919.
Marcel Deleuil :
Il a fait les Beaux-Arts en 1968, et me livre l'information avec un sourire complice. Originaire de Marignane, né dans une famille d'enseignants et d'artistes, il enseigne à son tour pendant un certain temps, pour s'orienter ensuite vers l'architecture et l'urbanisme. Il a toujours peint, trouvant l'inspiration en fonction des émotions de sa vie, comme après un grave accident où il a hanté les épavistes pour y prendre des photos et nourrir ainsi son art. Il se revendique, vous l'aurez compris, de l'influence des expressionnistes.
Il expose à Martigues, à Marseille, dans le Lubéron.
Hervé Fayolle :
Lui aussi a fait les Beaux-Arts. Il peint depuis 60 ans ! Il a mené une carrière de professeur d'Arts Plastiques à Marseille dans des lycées techniques. Il a toujours peint. Lui aussi est d'inspiration Expressionniste , privilégiant l'organisation de l'espace avant le sujet. Il travaille à partir de tâches de couleurs, ou en noir et blanc, qu'il relie entre elles par de l'encre de Chine, pour créer ensuite le sujet de ses œuvres, auxquelles il attribue un nom à la fin seulement. Ses tableaux de petit format lui permettent de s'entraîner. Il réserve les grands formats à ses expositions qui ont lieu en France, en Espagne, à Londres, à New-York.
Jean Bouttin :
Il me confie avec malice avoir toujours été angoissé par la page blanche. Et comme pour conjurer le sort il a choisi le métier d'imprimeur ! Ce fut une histoire d'amour entre son métier et lui, me dit-il. Et pour aller plus loin encore dans sa guérison, il pratique la photographie d'Art. Lors de son travail de retouche, il privilégie l'intensité de la couleur. Il n'hésite pas à faire pivoter ses photos pour susciter la surprise. En ce sens, il rejoint lui aussi l'univers des expressionnistes, soumettant le réel à l'épreuve de ses émotions. Refusant toute préméditation, il laisse « mûrir » ses photos avant de créer. Photographe d'Art et musicien, son plaisir, il le trouve dans la création.
André Rippert :
Son parcours est celui d'un autodidacte. Et il y en a de célèbres, comme Jean Genêt en littérature et théâtre, pour ne citer que lui. C'est d'ailleurs par le regard des autres, qui ont valorisé sa peinture, qu'André Rippert a fini par s'accorder de la confiance, et s'autoriser à exposer. Et il a eu raison !
Lui qui a travaillé dans la Gestion d'entreprise, y voit un lien avec la création. Depuis très jeune, il a peint. Ce qui prime dans sa démarche créatrice, c'est d'éprouver, lui d'abord, de l'émerveillement, avant même d'en susciter chez les autres. Il s'amuse à dire de lui « qu' il peint des fleurs, des petits oiseaux, et des imbéciles heureux » ! Son univers onirique fait rupture avec les œuvres de ses camarades, et nous embarque en un monde tout doux où il fait bon s'attarder.
Ces 4 artistes, liés par une solide amitié, sont membres du Collectif « La Raffinerie ». En conclusion je vais citer la description poétique donnée par André Rippert dans ses secrets de fabrication : « C'est une image ou un début d'image qui s'impose à l'esprit de façon numineuse (oui oui numineuse et non lumineuse). C'est à dire accompagnée d'une sensation d'évidence, d'essentiel et d'un sentiment d'exaltation semblable à la promesse d'un rendez-vous amoureux. » Il en est ainsi pour la visite de cette exposition.