Certains seuls en scène sont des performances, d'autres sont des confessions. L'Amour à la menthe, que Thierry Beccaro livre avec une pudeur et une sincérité poignantes au Théâtre de l'Oriflamme, appartient à cette dernière catégorie. Librement inspiré de son livre Je suis né à 17 ans, ce spectacle est un acte de courage et de reconstruction. Sur une scène épurée où trône une toile vierge, l'homme de télévision s'efface pour laisser parler l'enfant blessé et l'adulte résilient dans un témoignage sincère.
Il faut une force immense pour transformer ses cicatrices en une pièce de théâtre. C'est le diagnostic que l'on pose d'emblée face à Thierry Beccaro. Il n'est pas là pour jouer un rôle, mais pour se raconter : son enfance de "fils de personne", les coups d'un père alcoolique, la peur, et cette question qui revient comme un symptôme douloureux : "Pourquoi tu pleures ?". Le spectacle, mis en scène avec une grande délicatesse par Anouche Setbon, se concentre sur le processus de guérison.
La scénographie est une métaphore puissante de cette reconstruction. Devant nous, une toile blanche, comme une vie à peindre. Tout au long de son récit, Beccaro choisit des couleurs. Chaque tube de peinture qu'il ouvre n'est pas anodin et forme la palette de ses émotions. La toile se charge peu à peu, et on assiste en direct à la mise en couleurs d'une mémoire, à la transformation du chaos en un tableau cohérent. C'est le geste d'un homme qui reprend le contrôle de son propre récit.
Le titre, L'Amour à la menthe, prend tout son sens à travers un détail, un déclencheur sensoriel d'une force inouïe. La menthe, c'est l'odeur des pastilles Tic Tac que son père consommait pour masquer les relents d'alcool. Cette odeur, pour l'enfant, était un signal, l'annonce de l'imprévisible, de la tempête à venir. Transformer ce souvenir olfactif, si chargé d'angoisse, en titre de son spectacle est un acte thérapeutique en soi.
Thierry Beccaro livre une performance d'une authenticité bouleversante. Son but n'est pas de régler des comptes, mais de comprendre et de se libérer. Il évoque sa sœur, son alliée dans cette épreuve, leur lien indéfectible de "deux anges" face à l'adversité. Une réplique, particulièrement forte, résonne dans la salle : "Je pleure parce que je suis un ange et qu’on n’a pas le droit de taper les anges. Je pleure parce que j’ai les ailes brisées et que des ailes, c’est difficile à remplacer".
Ces mots, livrés avec une émotion contenue, disent tout de la blessure originelle et de la longue route pour apprendre à voler de nouveau. On ressort de l'Oriflamme profondément touché par ce témoignage. L'Amour à la menthe n'est pas une pièce triste, c'est un manuel de survie poétique et une preuve éclatante que même des souvenirs les plus sombres peut jaillir la lumière.
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