A Nô Amours : notre avis

Deux récits empruntés au répertoire de Mishima, adaptés avec délicatesse par Sandra Koelsch, pour un théâtre de l’intime aux couleurs du Japon. Sensualité, douleur et silence habitent ce diptyque où le masque, les gestes et la parole rare disent l’amour déchiré. Un moment suspendu, entre tradition et modernité.

Yukio Mishima revisité dans une forme contemporaine mais fidèle à l’esprit du Nô, voilà la proposition rare de A Nô Amours, qui adapte deux des Cinq Nô modernes traduits par Marguerite Yourcenar. Deux femmes, deux douleurs : Aoi, enfermée dans une clinique, et Hanako, geisha abandonnée, patientent, espèrent, se consument dans l’attente ou le souvenir d’un amour. Autour d’elles, les figures masculines – présentes ou fantasmées – attisent leur passion ou leur effondrement.

La mise en scène, sobre, soignée, propose un espace épuré, presque onirique. Kimonos, masques, fragments de chants : autant d’échos au théâtre traditionnel japonais. Les trois comédiens habitent cet univers avec retenue et intensité. Chaque geste, chaque mot compte. La tension affleure, souvent muette, puis explose dans des instants de confrontation ou d’abandon.

Ce spectacle ne cherche ni à expliquer ni à moderniser de force. Il nous laisse le temps d’entrer dans un rythme différent, contemplatif, et d’être bouleversés par ces amours impossibles, où se mêlent frustration, désir et solitude. On sort de la salle comme d’un rêve, marqué par la densité émotionnelle du voyage.

Sandra Koelsch, metteuse en scène et adaptatrice, livre une œuvre de patience et de passion. Elle aura mis trois ans à accoucher de cette version, et cela se ressent : chaque intention semble pesée, chaque silence voulu. Un bel hommage au Japon, mais aussi une exploration universelle de l’attente amoureuse.