À l'affiche du Théâtre des Barriques pour le Festival Off d'Avignon, "Le Message" est une adaptation du roman éponyme d'Andrée Chédid © Editions Flammarion. Une histoire d'amour et de survie en temps de guerre, portée par une équipe passionnée. Nous avons rencontré la metteuse en scène et co-adaptatrice Réjane Kerdaffrec, ainsi que les comédiens Pauline Weil et Clément Jacqmin. Ils nous parlent de ce spectacle qui explore l'urgence de l'amour et de la solidarité au milieu d'un monde en proie à la violence.
Avignon et Moi : Bonjour à vous trois. Pourriez-vous nous présenter "Le Message" ?
Réjane Kerdaffrec : "Le Message" est une adaptation du roman éponyme d’Andrée Chédid, que j’ai réalisée avec Brigitte Biasse. La question centrale est de savoir si l'amour peut survivre quand tout autour il n'y a plus que violence et destruction. Nous suivons deux protagonistes, Marie et Stéphane, qui s'aiment et doivent se rejoindre aux deux extrémités d'une ville en guerre. Malheureusement, Marie est touchée par la balle d'un sniper. La pièce repose alors sur un suspense d'une heure : parviendra-t-elle à faire passer son message à l'homme qu'elle aime ? Trouvera-t-elle dans ce champ de ruines des âmes encore capables d'humanité pour l'aider ? Le couple qu'elle rencontre pourra-t-il lui venir en aide, tandis que le sniper rôde toujours ?
Le message que porte Andrée Chédid est celui-ci : dans un monde où les images de guerre nous heurtent quotidiennement, ne perdons pas de temps, aimons-nous. Qu'y a-t-il de plus important que de s'aimer, de s'entraider, que la solidarité ? Nous avons conservé la langue très onirique de l'autrice. L'action ne se situe ni dans un lieu, ni à une époque précise ; elle pourrait se passer n'importe où, hier, aujourd'hui ou demain. C'est un appel à ne pas sombrer dans la désespérance mais à porter un message d'espoir. C'est un projet collectif, un projet d'amitié avec une équipe formidable. Le spectacle vivant offre cette expérience unique où le spectateur respire avec les comédiens. On peut voir tous les films sur la guerre, mais au théâtre, on touche du doigt l'émotion, on vibre avec les acteurs. Cette intensité est irremplaçable.
Passons à un petit jeu. Si chacun de vous devait résumer la pièce en un seul mot, quel serait-il ?
Clément Jacqmin : Le mot qui m'est venu pendant que Réjane parlait, c'est "foi".
Pauline Weil : Cela rejoint un peu ce que tu dis, mais pour moi, le mot serait "essentiel".
Réjane Kerdaffrec : Et pour moi, c'est "amour". C'est une histoire d'amour, un Roméo et Juliette moderne où tout devrait les séparer, mais où tout devrait aussi les réunir.
Qu'est-ce qui vous a séduits individuellement dans ce projet ?
Réjane Kerdaffrec : Pour ma part, la question ne se pose pas vraiment dans ces termes, car j'ai initié le projet, écrit l'adaptation avec mon amie Brigitte Biasse pour le mettre en scène et jouer dedans.
Clément Jacqmin : Le texte, avant tout. Je trouve l'écriture très belle et l'adaptation respecte admirablement le texte d'origine. Ce sont vraiment les mots d'Andrée Chédid. Chaque personnage a quelque chose de très humain à défendre, et pour un comédien, c'est une matière très riche à jouer.
Pauline Weil : J'ai commencé par lire le roman, et je l'ai lu d'une traite. Il y a un suspense qui nous emporte, dans un style à la fois très poétique et très fluide. La bonne surprise a été de retrouver cette fluidité et cette poésie dans l'adaptation théâtrale. Le défi, et le plaisir, était alors de réussir à transmettre au public cette même sensation que j'ai eue en lisant, cette impossibilité de lâcher l'histoire avant la fin.
Réjane Kerdaffrec : Le livre est déjà très scénarisé. Il est construit avec de nombreuses scènes et un suspense très bien mené. On ne veut lâcher aucun des personnages, de Marie et Stéphane au couple Anton et Anya, et même Georges, le sniper. Nous avons voulu conserver ce rythme et cette intensité dans notre adaptation.
Avec quel message ou quelle image souhaitez-vous que le public reparte après la représentation ?
Réjane Kerdaffrec : Je souhaite transmettre l'urgence de l'amour. Quelle société voulons-nous construire ? Voilà la question.
Clément Jacqmin : Ce que je trouve intéressant, c'est que lorsque l'on voit des conflits aux informations, on a tendance à ne voir que la guerre, et jamais les gens pendant la guerre. Ici, c'est l'inverse : on voit les gens, leur histoire d'amour, leur humanité, sur un fond de guerre. Je pense que c'est une perspective que le public n'a pas l'habitude de voir.
Pauline Weil : Ce qui me tient à cœur, c'est l'idée que tout peut basculer en un instant. On peut passer des années à mûrir une décision, à se questionner sur ses sentiments, ses choix de vie... et soudain, un événement extérieur fait tout éclater. Le temps s'accélère et la vie est changée à jamais. Cette prise de conscience de la précarité de l'instant renforce l'urgence du message.
Un dernier mot à ajouter sur le spectacle ?
Réjane Kerdaffrec : Je voudrais absolument que ce spectacle soit joué pour des jeunes. J'aimerais que nous puissions le présenter dans des collèges et des lycées pour échanger avec eux. C'est un lien que je trouve très important. Je tiens aussi à souligner la fidélité de ce projet. Il est produit par la compagnie de Fabrice Drouelle, mon complice de théâtre depuis vingt-cinq ans, qui nous fait l'amitié d'être la voix que l'on entend au début du spectacle.
Clément Jacqmin : C'est aussi un spectacle avec une mise en scène assez ambitieuse et des choix esthétiques marqués.
Réjane Kerdaffrec : En effet, toute la création artistique est originale. Nous sommes entourés d'une formidable équipe de jeunes artistes : la scénographie, les costumes, les décors et l'identité visuelle ont été créés par Clara Louise ; la vidéo par Lucas Di Girolamo ; la musique originale par Simon Louveau. Laura Uçgul, chorégraphe, nous a aidés sur le travail du mouvement et Joséphine Fajgelj est notre précieuse assistante à la mise en scène.
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