À l'affiche du Théâtre Le Tremplin, Florence Limon et Stephan Heroen proposent "Le Misanthrope à tout prix". Dans cette création originale, deux comédiens, Al et Célie, s'attellent au montage de la célèbre pièce de Molière. Confrontés à leurs désaccords sur la mise en scène – l'un prônant un respect scrupuleux du classique, l'autre une modernisation audacieuse – ils offrent une mise en abyme où leur propre relation fait écho à celle d'Alceste et Célimène. Une réflexion sur la création, la fidélité et la pertinence intemporelle du répertoire classique.
Avignon et Moi : Bonjour à vous deux. Pour commencer, pouvez-vous nous présenter votre spectacle, "Le Misanthrope à tout prix" ?
Stephan Heroen : C'est l'histoire de deux comédiens qui, par manque de moyens, décident de monter Le Misanthrope à deux. Le spectacle les suit durant une journée de répétition où ils enchaînent des scènes de la pièce tout en débattant de la mise en scène. Évidemment, ils ne sont pas d'accord. Le personnage de Al, qui joue Alceste, souhaite une approche rigoureuse et fidèle au texte de Molière.
Florence Limon : À l'opposé, Célie, qui interprète Célimène, veut promouvoir le spectacle, le moderniser, être dans l'air du temps. Cette opposition crée un parallèle direct entre les comédiens et les personnages qu'ils incarnent. D'ailleurs, le spectacle commence par la réplique : "Moi, j’aurais tout entendu… Ancrer Molière dans la modernité !"
Comment est née l'idée de ce projet ?
Florence Limon : Au retour d'une tournée pour un précédent spectacle, nous nous demandions ce que nous allions faire. Nous avons égrené les possibilités et nous nous sommes rendu compte que nous adorions tous les deux Le Misanthrope, et plus particulièrement les personnages d’Alceste et Célimène. La distribution de la pièce étant importante, nous sommes partis de la contrainte de n'être que deux. Nous nous sommes lancés dans l'aventure par un travail d'écriture au plateau, ce qui a abouti à la création de textes additionnels qui viennent s'insérer au milieu des scènes de Molière.
S'attaquer à un monument comme Le Misanthrope, n'est-ce pas intimidant ?
Florence Limon : Nous venons tous les deux aussi bien du théâtre classique que du théâtre moderne. J'ai vraiment baigné dans Molière, c'est un auteur que j'adore, j'ai été biberonnée à ses textes. C'était donc une forme d'évidence de se lancer dans cette aventure, dans l'alexandrin. Et puis, c'est une pièce extraordinaire.
Stephan Heroen : Oui, et cela fait un peu peur, en particulier de s'attaquer au rôle d'Alceste, qui a été interprété par les plus grands comédiens. Notre adaptation met en relief les deux couples, Al et Célie d'un côté, Alceste et Célimène de l'autre. Leurs vies et leurs quotidiens finissent par se confondre, au point qu'on se demande si c'est Al qui parle avec les mots d'Alceste, ou si c'est Célie qui s'exprime avec ceux de Célimène. Nous sommes arrivés à créer un tissage, une véritable mise en abyme.
La pièce originale est assez longue. Comment avez-vous fait la sélection des scènes ?
Stephan Heroen : Le spectacle dure entre une heure dix et une heure et quart. Nous jouons cinq ou six grandes scènes, presque intégralement. Il y a de petites coupures, mais nous restituons vraiment le texte de Molière. Il s'agit principalement des grandes scènes à deux, en coupant les passages avec Philinte, Oronte ou Arsinoé, pour nous concentrer bien sûr sur toutes les scènes entre Alceste et Célimène.
Si vous deviez résumer le spectacle en trois mots ?
Florence Limon : Aventure, émotion et humour.
Imaginez une salle comble, mais avec un seul type de spectateur. Quel serait pour vous le public idéal ?
Stephan Heroen : Une fois, nous avons eu une salle de lycéens et c'était génial. Nous avons adoré jouer pour des jeunes.
Qu'aimeriez-vous que ce public retienne à la fin de la représentation ?
Stephan Heroen : La modernité et l'universalité du texte de Molière. L'amitié, l'hypocrisie, la jalousie, les problèmes d'amour... ce sont des thèmes qui se déclinent à toutes les époques. Nous voulons que la langue de Molière soit perçue comme accessible si on la joue et si on l'écoute. Et surtout, que personne ne sorte en disant : "Molière, c'est barbant !"
Florence Limon : Nous avons aussi une forte envie de transmission. Nous souhaitons prendre par la main les personnes qui pourraient être un peu éloignées de Molière. Les scènes contemporaines leur offrent des respirations, des moments pour rire et se détendre avant d'aborder la scène classique suivante.
Stephan Heroen : En réalité, pour revenir au public idéal, c'est une salle complètement mixte que nous souhaitons. Il est vrai que les personnes de 45 à 75 ans viennent peut-être plus spontanément. Mais nous voyons aussi des gens venir avec des jeunes, dans une démarche de transmission de ce patrimoine culturel. C'est un peu notre ambition : que les messages passent auprès de tous.
Informations pratiques :
Le Misanthrope à tout prix
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