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Rencontre avec Charlotte Saliou et Aurélien Cavaud pour « Diderot en plein cœur »

Du 12 au 26 juillet, le Théâtre Albatros accueille « Diderot en plein cœur », une comédie philosophique qui plonge avec humour et intelligence dans l'œuvre foisonnante de l'auteur des Lumières. Partant de la structure de Jacques le fataliste, la pièce y insère des extraits de l'Encyclopédie, des Lettres à Sophie Volland ou encore des Salons. Une création pensée pour rendre la philosophie accessible à tous, portée par une mise en scène de Fabrice Peineau. Rencontre avec les deux interprètes, Charlotte Saliou et Aurélien Cavaud, qui signe également l'adaptation.

11 Juillet 2025 à 19h00 Par Jérôme Chaudier

Avignon et Moi : Pourriez-vous nous présenter votre spectacle ?

Aurélien Cavaud : C'est une comédie philosophique d'une heure. Nous sommes partis de l'œuvre de Diderot, en utilisant Jacques le fataliste et son maître comme colonne vertébrale. À l'intérieur de ce récit, nous avons incorporé des citations et des extraits d'autres textes de Diderot : l'Encyclopédie, ses lettres, des articles... L'idée était de creuser un peu partout dans son œuvre pour proposer une heure de spectacle entièrement constituée de ses mots.

Charlotte Saliou : L'intrigue se concentre sur les histoires d'amour de Jacques, ce qui nous permet de créer de nombreuses situations et de faire apparaître une galerie de personnages. Ces rencontres sont traitées de manière physique, comique et burlesque. Elles agissent comme des pastilles de respiration qui équilibrent le texte philosophique. Notre but était de rendre ce dernier intelligible et ouvert à tous. La philosophie de Diderot n'est pas si complexe, et il était important pour nous de la partager avec le plus grand nombre.

Dans cette adaptation, le maître de Jacques est une femme. Pourquoi ce choix ?

Aurélien Cavaud : Oui, c'est une maîtresse. Nous sommes en 2025 et nous ne voulions pas reprendre le schéma de deux hommes parlant de leurs histoires d'amour.

Charlotte Saliou : Le personnage de la maîtresse représente l'autorité, une forme de hiérarchie. C'est elle qui éveille la conscience de Jacques en le poussant à la réflexion, ce qui le fait énormément progresser. Si Jacques représente le peuple, Madame, elle, incarne la noblesse.

Pourquoi avoir choisi de créer une nouvelle adaptation de Diderot ?

Charlotte Saliou : Diderot a écrit peu de pièces de théâtre. Il existe bien sûr des adaptations de Jacques le fataliste dans son intégralité, mais je les trouvais un peu longues. Je voulais pouvoir montrer une facette de Diderot au grand public, y compris aux lycéens, d'une manière plus légère. Nous voulions donc une forme qui puisse se jouer à deux et être facile à transporter.

Le spectacle s'adresse-t-il à un public de philosophes ou est-il véritablement pour tous ?

Aurélien Cavaud : Il s'adresse vraiment à tout le monde. C'était l'idée de départ : faire connaître ces auteurs qui, ensemble, ont créé l'Encyclopédie. L'objectif est que chacun puisse entendre des concepts philosophiques sans que ce soit lourd ou indigeste. Les spectateurs se laissent guider et je pense qu'ils n'ont pas la sensation de fournir un effort particulier.

Quels sont les retours que vous avez eus jusqu'à présent ?

Charlotte Saliou : Les gens nous disent souvent qu'ils « rient intelligemment ». Ils sont contents d'avoir réfléchi tout en riant et se laissent surprendre par l'intelligence du texte alliée à la drôlerie des situations. Il y a aussi une émotion qui se construit tout au long de la pièce et qui réserve une surprise à la fin.

C'est une création de cette année ?

Aurélien Cavaud : Oui, exactement.

Si vous deviez résumer le spectacle en trois mots ?

Aurélien Cavaud : Je dirais "vulgarisation", dans le bon sens du terme. Ensuite, "burlesque".

Charlotte Saliou : Et enfin, "complicité". C'est un retour que nous avons souvent : les spectateurs sentent que le duo fonctionne très bien sur scène.

Comment s'est déroulée la préparation du texte et des personnages ?

Aurélien Cavaud : L'appropriation des personnages s'est faite assez naturellement. Pour ma part, c'est une partition que je connais bien.

Charlotte Saliou : De mon côté, j'interprète plusieurs personnages que Jacques croise au fil de son voyage. Il a donc fallu décortiquer chacun d'eux, trouver leur enjeu propre et leur relation avec Jacques. Nous avons fait beaucoup de lectures en amont. C'était essentiel pour nous assurer de bien comprendre ce que nous disions et de trouver comment le rendre accessible.

Vous avez déjà joué devant des publics scolaires. Comment la pièce est-elle reçue par les plus jeunes ?

Aurélien Cavaud : Oui, nous avons joué dans des collèges et des lycées, et nous avons eu de super retours. La philosophie peut parfois sembler être un sujet un peu barbant pour eux. Notre approche, qui ne se prend pas au sérieux, permet d'ouvrir des portes. Le texte est suffisamment vulgarisé pour que ce soit fluide.

Charlotte Saliou : C'était mon envie première, de m'adresser aux lycéens, car ils étudient ce type d'auteurs, notamment pour le bac de français. Nous avons joué dans un collège, et j'ai été étonnée par leur curiosité. Ils posaient énormément de questions, ils avaient leurs cahiers, une vraie envie de comprendre. Cela prouve que le spectacle peut aussi bien s'adresser aux adultes, qui ont parfois oublié ces concepts, qu'à un public plus jeune qui les découvre.

Quels grands thèmes de Diderot sont développés dans la pièce ?

Aurélien Cavaud : Nous rebondissons sur des mots pour ouvrir des pensées. La pièce aborde le paradoxe, le quiproquo, l'esclavage, ou encore la place de la femme. Il y a par exemple un topo tiré de l'Encyclopédie sur la définition du viol à l'époque, qui était déjà puni du supplice de la roue ou de la mort, même s'il fallait parvenir à le prouver.

Informations pratiques :