Au-delà du silence : "La Plus Précieuse des Marchandises", un cri d'Humanité en animation

Sorti en 2024, le film d'animation de Michel Hazanavicius, "La Plus Précieuse des Marchandises", adapté du conte de Jean-Claude Grumberg, ose aborder la Shoah avec une esthétique singulière. Sélectionné à Cannes et Annecy, ce film ne laisse pas indifférent et interroge la capacité de l'animation à narrer l'indicible. Sa résonance est d'autant plus particulière que la ville d'Avignon voit, depuis mai 2025, l'installation progressive de studios d'animation de renom, dont Les Fées Spéciales, dessinant un avenir prometteur pour la création dans la région.

"La Plus Précieuse des Marchandises" nous plonge au cœur de l'hiver polonais, pendant la Seconde Guerre mondiale. Dans la forêt enneigée, une pauvre bûcheronne et son mari recueillent un bébé jeté d'un train de déportés. Ce "colis" inattendu, une petite fille juive, devient leur plus précieuse des marchandises, bouleversant leur existence et leurs certitudes face à l'horreur et la déshumanisation ambiantes. Le récit explore la survie, l'amour parental inespéré et la lueur d'humanité dans les ténèbres de la Shoah.

Avignon, nouveau pôle d'excellence en devenir pour l'Animation Française

L'analyse de ce film, sorti en 2024, s'inscrit dans un contexte où Avignon est en train de confirmer son ambition de devenir un pôle majeur de l'animation en France. En effet, depuis mai 2025, la ville voit l'installation - encore en cours - de six nouveaux studios au sein de la Villa Créative. Parmi eux figurent "Les Fées Spéciales", un studio reconnu, doublement lauréat du César du meilleur film d'animation, qui a choisi Avignon pour poursuivre son développement. Cette implantation, aux côtés d'autres acteurs du secteur, témoigne de l'attractivité du Grand Avignon qui ambitionne de devenir une terre fertile pour les talents et les entreprises des industries culturelles et créatives. Le studio "Fées Spéciales" avait pour mission l'assistanat d’animation 2D dans "La Plus Précieuse des Marchandises", la présence de tels studios d'excellence dans la région ouvre des perspectives prometteuses pour la création animée française future.

Réception : entre reconnaissance et débat

Dès sa présentation en festivals, "La Plus Précieuse des Marchandises" a suscité des réactions professionnelles marquées, oscillant entre la reconnaissance de son audace formelle et narrative et un débat nécessaire sur la représentation de la Shoah par le prisme du conte animé. La sélection en compétition officielle à Cannes et en ouverture à Annecy souligne son importance cinématographique.

Du côté du public, le film semble également provoquer une forte charge émotionnelle. L'approche sensible et poétique d'un sujet aussi grave interpelle, touchant un public averti (adultes et lycéens), comme le souhaitait le réalisateur, conscient que cette œuvre animée n'est pas destinée aux plus jeunes.

Notre avis : au cœur du chaos, l'Amour essentiel (15/20)

"La Plus Précieuse des Marchandises" est une œuvre marquante, un rappel violent et incisif des horreurs des camps d'extermination. Le film explore avec une justesse troublante la douleur de la guerre et, implicitement, les ravages du racisme et de la haine.

Le personnage du bûcheron est particulièrement touchant dans son évolution ; ses certitudes s'effondrent lorsqu'il découvre que "les sans-cœurs ont un cœur". Les personnages sont attachants, et leur humanité est mise à rude épreuve face à la déportation et l'horreur des camps de concentration. L'arrivée dans les camps est traitée avec une force visuelle notable, utilisant des messages subliminaux et implicites (couleurs sombres, sentiment d'absence) pour dépeindre l'indicible.

Le film expose crûment "la noirceur du cœur des hommes", distinguant ceux que le conte nomme les "sans-cœurs" et les "sans-âmes". Il ne faut pas s'y tromper : malgré sa forme animée, il s'agit bien d'un film destiné à un public averti, capable d'encaisser la souffrance d'un peuple et la brutalité des faits historiques.

Au-delà de la simple illustration, l'œuvre de Michel Hazanavicius pousse à la réflexion sur la nature humaine. Les frontières entre le bien et le mal s'effacent, nous évoluons constamment en zone grise. Finalement, le message qui subsiste est celui de la résilience et de la force salvatrice de l'amour : "l'amour c'est ce qui fait qu'on va de l'avant, le reste n'est que silence." Un film nécessaire, bien que douloureux.