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L'IA a-t-elle un appétit d'ogre pour l'électricité ?

L'intelligence artificielle explose et sa consommation d'énergie avec. Entre promesses d'efficacité et boom des besoins, le secteur est face à un mur… ou peut-être pas ?

Votre assistant IA préféré vous épate chaque jour par ses prouesses, mais avez-vous la moindre idée de l'énergie qu'il engloutit en coulisses pour fonctionner ? Alors que l'intelligence artificielle s'immisce partout, de nos smartphones à la recherche scientifique, sa consommation électrique devient un sujet brûlant. Plongée dans les circuits d'une révolution aussi brillante qu'énergivore, basée sur les données disponibles les plus récentes.

IA électricité
23 Mai 2025 à 10h48 Par Jérôme

Centres de données : le cœur battant (et gourmand) de l'IA

Au cœur de la révolution IA, il y a les centres de données, ces immenses usines numériques remplies de serveurs informatiques. Ce sont eux qui entraînent les modèles d'IA et répondent à nos requêtes. Et leur appétit énergétique est colossal. Selon le rapport "Energy and AI" de février 2025 de l'Agence Internationale de l'Énergie (AIE), les centres de données représentaient déjà environ 1,5 % de la consommation mondiale d'électricité en 2024, soit 415 térawattheures (TWh). Pour vous donner une idée, c'est un peu plus que la consommation totale d'un pays comme l'Espagne sur une année !

Les États-Unis sont les plus gros consommateurs (45 % du total mondial), suivis par la Chine (25 %) et l'Europe (15 %). Et la tendance est à la hausse : l'AIE prévoit que, dans son scénario de référence, la consommation électrique de ces centres pourrait plus que doubler d'ici 2030 pour atteindre environ 945 TWh, l'IA étant le principal moteur de cette croissance. D'ici 2035, on pourrait même frôler les 1200 TWh. Vertigineux, n'est-ce pas ?

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Des puces plus futées, mais toujours plus nombreuses

Pour faire tourner ces algorithmes complexes, il faut des processeurs spécialisés, notamment des GPU (Graphics Processing Units), initialement conçus pour les jeux vidéo mais redoutablement efficaces pour les calculs de l'IA. Les fabricants, comme Nvidia, ne chôment pas : selon des prévisions de Mizuho rapportées par Investing.com, Nvidia pourrait livrer entre 6,5 et 7 millions de ces super-puces pour l'IA en 2025.

Pour caser toujours plus de puissance dans un minimum d'espace, les ingénieurs développent des trésors d'ingéniosité. Prenez la technologie CoWoS (Chip on Wafer on Substrate), expliquée par TSMC, un géant taïwanais de la fabrication de puces. C'est un peu comme un mille-feuille technologique ultra-sophistiqué où différentes puces (le processeur principal, la mémoire ultra-rapide appelée HBM pour High-Bandwidth Memory) sont empilées et connectées très densément sur une plaque de silicium. Résultat : des "super-puces" beaucoup plus puissantes et rapides, cruciales pour l'IA, mais qui concentrent aussi la consommation d'énergie.

Heureusement, chaque nouvelle génération de puce est généralement plus efficace. L'AIE note par exemple que le dernier GPU B200 de Nvidia est 60 % plus performant en termes de FLOP/watt que son prédécesseur, le H100. Le FLOP/watt, c'est le nombre d'opérations mathématiques complexes qu'une puce peut réaliser pour chaque watt d'électricité consommé. Plus ce chiffre est élevé, plus la puce est économe en énergie pour une tâche donnée. C'est un peu le "nombre de kilomètres au litre" du monde informatique. Le paradoxe, c'est que même si chaque puce devient individuellement plus sobre, la demande globale explose tellement que la consommation totale continue de grimper.

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Le ballet incessant des serveurs : un cycle de vie (très) court

Un autre aspect souvent méconnu est la durée de vie de ces précieux GPU dans les centres de données. Selon une analyse de Trendforce, elle pourrait n'être que de 1 à 3 ans ! La raison ? Ils sont soumis à des charges de travail intenses pour l'entraînement et le fonctionnement des IA, consommant et dissipant parfois plus de 700 watts chacun. Une étude de Meta sur ses GPU Nvidia H100 a même révélé un taux de défaillance annualisé d'environ 9 % pour les GPU et leur mémoire HBM.

Cette rotation rapide du matériel a deux conséquences majeures : une production continue de déchets électroniques et une demande soutenue pour de nouveaux équipements, ce qui maintient la pression sur la consommation énergétique liée à leur fabrication et à leur utilisation.

Le saviez-vous ?

Selon le rapport "Energy and AI" de l'AIE, la consommation électrique des centres de données dans le monde a bondi de 12 % par an depuis 2017, soit quatre fois plus vite que la consommation électrique globale !

Cherche électricité (dés)espérément : quelles solutions ?

Face à cette demande croissante, comment éviter la surchauffe énergétique ? Plusieurs pistes sont explorées. Un article du journal scientifique Cell Joule (abstract S2542-4351(24)00347-7) souligne le besoin criant de transparence et de données fiables. Les auteurs appellent à une "révolution des données" où les opérateurs partageraient davantage d'informations sur leur consommation, l'efficacité de leurs systèmes de refroidissement, etc.

Un indicateur clé ici est le PUE (Power Usage Effectiveness). Imaginez que pour chaque kilowattheure (kWh) utilisé directement par les serveurs informatiques, une certaine quantité d'énergie supplémentaire est nécessaire pour faire fonctionner le reste du centre, comme la climatisation ou les systèmes d'alimentation. Le PUE mesure ce "surcoût". Un PUE de 1.0 serait l'idéal (toute l'énergie va aux serveurs) ; plus il est élevé, moins le centre de données est efficace sur le plan énergétique. L'AIE note d'ailleurs une amélioration, avec un PUE moyen mondial qui devrait passer de 1,41 à 1,29 d'ici 2030, ce qui permettrait d'économiser environ 90 TWh.

Du côté de l'approvisionnement, l'AIE estime que les énergies renouvelables pourraient couvrir près de la moitié de la demande supplémentaire des centres de données d'ici 2030. Mais d'autres sources sont aussi envisagées. Le gaz naturel, par exemple, est en plein essor, notamment aux États-Unis. DatacenterDynamics rapporte que l'entreprise Crusoe Energy a sécurisé 4,5 gigawatts de gaz naturel pour alimenter directement ses futurs centres de données IA, en contournant le réseau électrique traditionnel. L'énergie nucléaire, y compris les futurs petits réacteurs modulaires (SMR) attendus vers 2030, pourrait aussi jouer un rôle.

L'AIE présente d'ailleurs différents scénarios pour l'avenir : un scénario "Lift-Off" très optimiste en termes d'adoption de l'IA (et donc de consommation, jusqu'à 1700 TWh en 2035), un scénario "Haute Efficacité" et un scénario "Vents Contraires" avec des freins au développement, montrant bien l'incertitude qui règne.

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L'appétit énergétique de l'intelligence artificielle est une réalité indéniable et un défi majeur pour les années à venir. Si les progrès en matière d'efficacité des puces et des centres de données sont constants, l'explosion des usages et la puissance croissante des modèles risquent de contrebalancer ces gains. Les sources accessibles indiquent que la trajectoire future dépendra d'un cocktail complexe : innovations technologiques continues, stratégies énergétiques diversifiées (incluant massivement les renouvelables), et surtout, comme le souligne le Cell Joule Abstract, une bien plus grande transparence des acteurs du secteur. Sans données claires et partagées, difficile de piloter finement cette transition.

Alors, l'IA, future championne de l'écologie numérique ou insatiable dévoreuse de watts ? Une chose est sûre : elle nous pousse à devenir drôlement inventifs pour que le courant passe... sans faire disjoncter la planète !

Auteur : Jérôme

Expert en développement web, référencement et en intelligence artificielle, mon expérience pratique dans la création de systèmes automatisés remonte à 2009. Aujourd'hui, en plus de rédiger des articles pour décrypter l'actualité et les enjeux de l'IA, je conçois des solutions sur mesure et j'interviens comme consultant et formateur pour une IA éthique, performante et responsable.

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