Le Festival Off d'Avignon a levé le voile ce mardi 13 mai 2025 sur les contours de sa 59e édition, qui se tiendra du 5 au 26 juillet. Entre l'enthousiasme d'une programmation riche de 1 724 spectacles et la confirmation d'une synergie renforcée avec le Festival In, cette nouvelle mouture s'annonce comme une célébration foisonnante du spectacle vivant, tout en se faisant la caisse de résonance des enjeux sociaux, économiques et environnementaux de notre temps.
C'est dans une ambiance à la fois studieuse et fébrile, typique des jours qui précèdent la grande vague estivale avignonnaise, que les co-présidents d'Avignon Festival & Compagnies (AF&C), Laurent Domingos et Harold David, ont orchestré la conférence de presse de cette 59e édition. Devant un parterre de journalistes, de professionnels et d'acteurs culturels locaux, la vision d'un festival résolument ancré dans son époque, ouvert sur la ville et le monde, a été esquissée. "Le Festival Off est un miroir de la société, un lieu de résistance et de rassemblement de la diversité de la création," a rappelé en substance la direction, soulignant l'importance de cet événement qui, chaque été, transforme Avignon en la plus grande scène théâtrale du monde. Un impact culturel mais aussi économique et touristique majeur pour le Grand Avignon, qui voit sa population vibrer au rythme des quelques 1 347 compagnies attendues.
Si le gigantisme du Off est une constante, les chiffres de 2025 confirment une vitalité impressionnante : 1 724 spectacles distincts, aboutissant à 1 781 manifestations culturelles si l'on inclut les 57 événements parallèles, pour un total vertigineux de plus de 27 400 levers de rideau. Parmi eux, 490 créations verront le jour pour la première fois, signe d'une prise de risque et d'une inventivité toujours renouvelées. La scène française reste majoritaire avec 1 170 compagnies, mais l'international n'est pas en reste : 170 troupes étrangères feront le voyage, dont une délégation notable de 11 compagnies brésiliennes, pays invité d'honneur.
Au-delà des chiffres, des tendances artistiques se dessinent. L'engagement envers le jeune public et les familles est plus marqué que jamais. La question de la durabilité infuse également la programmation et l'organisation, tandis que les thématiques sociétales, de l'inclusion à la justice sociale, continuent d'irriguer les propositions artistiques. L'affiche de cette édition, réalisée par Luca Mira, étudiant de l'École Supérieure d'Art d'Avignon (ESAA), un "saut dans le vide" plein d'énergie, semble d'ailleurs capturer cette tension entre audace créative et incertitudes du présent.
L'édition 2025 s'annonce riche en initiatives structurantes. Le Village du Off, véritable poumon du festival, "fait peau neuve" sous la houlette du scénographe Elie Barthès. Il se veut plus que jamais un lieu de vie, de rencontres et de débats, avec une programmation thématique articulée autour de grands rendez-vous :
La jeunesse et les familles seront particulièrement choyées avec la création du Village TADAMM à l'école Simone Veil (ancien site du Village du Off), ouvert du 7 au 26 juillet. Ateliers, spectacles et tarifs adaptés (Carte TADAMM à 5€, Carte Off à 2€ pour les 14-25 ans) sont au programme. Grande nouveauté pratique : un point de vente physique Ticket'Off s'installe au Village du Off (6 rue Pourquery de Boisserin).
L'engagement pour un festival plus vert se traduit par la montée en puissance de l'opération "Off sur de bons rails" (transport de décors par fret ferroviaire) et l'élargissement des horaires des TER. La professionnalisation se poursuit avec 70 salles labellisées Label'Off et la 3ème édition du "Son du Off" qui mettra en avant les musiciennes.
La conférence de presse a été l'occasion d'entendre des engagements clairs. La direction d'AF&C a martelé sa volonté de "rendre le festival accessible, de soutenir la jeune création et d'accompagner la transition écologique." Mme Cécile Helle, Maire d'Avignon, a réaffirmé le soutien indéfectible de la ville, soulignant combien "le Festival Off est consubstantiel à l'identité d'Avignon" et se félicitant du retour de l'ancien Village du Off vers la rue Thiers (Village TADAMM), participant à l'animation de tous les quartiers. Thibault de Cacqueray (sous-préfet, directeur de cabinet) a, quant à lui, insisté sur "l'importance de la coopération entre tous les acteurs, y compris l'État, pour la réussite de ce moment exceptionnel".
Mais une note plus grave s'est aussi fait entendre. La CGT Spectacle, fidèle à son rôle de vigie, a rappelé la "précarité grandissante des artistes et techniciens", pointant "l'impact des coupes budgétaires et le coût exorbitant de la participation au Off" pour de nombreuses compagnies. Un discours qui, sans jeter une ombre sur l'enthousiasme ambiant, ancre le festival dans une réalité économique complexe. "La masse salariale de juillet devient souvent la variable d'ajustement," a-t-on pu entendre, un rappel brutal des sacrifices consentis.
Plus que jamais, le Festival Off d'Avignon s'affirme comme un microcosme où se reflètent les passions, les aspirations mais aussi les fractures de notre société. L'alignement des dates avec le Festival In, longtemps attendu, est une avancée majeure pour la lisibilité et la synergie des propositions. Les efforts en matière d'accessibilité (tarifs, lieux adaptés, réflexion sur une crèche pour les enfants d'artistes), de lutte contre les violences sexistes et sexuelles (avec un dispositif renforcé), et de soutien à l'émergence (via le fonds de soutien d'AF&C, abondé par la carte d'abonnement et qui sera augmenté de 25%) témoignent d'une prise de conscience et d'une volonté d'agir.
La question environnementale, avec le bilan carbone et les initiatives de transport doux, devient centrale. L'ouverture internationale, avec le Brésil en majesté et un regard vers l'Asie Centrale, confirme le rôle du Off comme carrefour des cultures mondiales, préparant déjà le terrain pour un 60ème anniversaire en 2026 qui pourrait se tourner vers la Méditerranée.
Cependant, le Off reste ce lieu de tension créatrice où l'abondance de l'offre se heurte parfois à la fragilité des modèles économiques des compagnies. La "jungle" avignonnaise, si elle est source d'une émulation unique, pose avec acuité la question des conditions de création et de diffusion. C'est tout l'enjeu pour AF&C et ses partenaires : structurer sans contraindre, accompagner sans uniformiser, pour que cette formidable plateforme de visibilité reste avant tout un espace de liberté artistique.
Le programme complet du 59e Festival Off d'Avignon sera disponible début juin. D'ici là, la ville retient son souffle, prête à accueillir cette nouvelle vague de créativité qui, du 5 au 26 juillet, fera d'Avignon le cœur battant du théâtre mondial. Le rendez-vous est pris.