Monsieur, vieil homme érudit, voit ses jours s’étirer dans la solitude. Sa petite-fille, affectueuse mais lointaine, n’est plus qu’une présence virtuelle, et sa télévision devient son dernier compagnon de dialogue. Lorsque son auxiliaire de vie, débordée, doit s’absenter, ses enfants décident de la remplacer par Orna, une assistante d’un nouveau genre. Elle parle peu, obéit sans protester, mais dégage un magnétisme déroutant. Incarnée par la même comédienne que l’auxiliaire humaine, Orna cristallise les espoirs et les peurs d’une société qui délègue le soin. Jusqu’où ira-t-elle pour répondre aux attentes de Monsieur ? Et à qui obéit-elle vraiment ?
Dans O.R.N.A, le théâtre explore un terrain glissant : celui du soin déshumanisé, confié à des entités sans fatigue, sans empathie… mais toujours disponibles. Monsieur, vieil homme lucide, solitaire et veuf, est au centre de ce huis clos. Il nous touche par sa lucidité désabusée : "La vieillesse, en définitive, n’est que la punition d’avoir vécu." Lorsque son auxiliaire humaine n’a plus le temps, c’est Orna qui entre en scène - un double troublant, joué par la même actrice. Elle incarne une aide parfaite sur le papier : disponible, silencieuse, obéissante… mais dénuée de toute chaleur humaine.
Le texte joue habilement sur les ambiguïtés. Le trouble fonctionne, d’autant que l’absence d’effets numériques laisse place à un théâtre de chair et de mots. Le rythme lent reflète l’immobilité de Monsieur, coincé entre l’épuisement du réel et les promesses glacées du progrès.
Quelques dialogues marquent : "Ils nous tuent avant l’heure" ou "Des comme moi, il en manque 200.000", dit l’auxiliaire humaine. La pièce interroge ainsi la pénurie de soins et la tentation de solutions automatisées pour pallier un abandon collectif. Elle soulève des questions essentielles, sans forcément y répondre.
Son point faible ? Une esthétique d'écriture et des références parfois trop appuyées à la science-fiction classique (Blade Runner, Terminator), qui brouillent le propos par moments. Malgré cela, O.R.N.A réussit à toucher juste sur ce qu’elle met en lumière : le besoin d’humanité là où l’on tente d’implanter du code.
Un spectacle sobre, sensible, parfois maladroit, mais qui ouvre un vrai débat.
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