Sur le plateau, des bottes de paille forment un mur : un décor aussi simple que lourd de sens, qui enferme les cinq comédiens comme la terre tient les siens. « Tout contre la terre », c’est d’abord l’histoire d’un couple, Camille et Augustin, mais aussi celle de toute une profession qui ploie sous le poids du système. Camille, face à un journaliste, remonte le fil de sa vie, livre à voix nue la réalité du monde agricole : la rencontre, l’amour, les projets, puis la routine, les difficultés qui s’accumulent. On a la sensation d’ouvrir un livre qui prend soudain vie sur scène, chaque souvenir s’incarnant sous nos yeux.
Le texte, ciselé, restitue toute l’absurdité d’un système qui broie les individus : emprunts nécessaires, maladie des bêtes, crise économique, pression de la grande distribution… La violence du quotidien s’infiltre partout. « Nous, on ne peut pas s’arrêter, sinon il n’y a plus d’omelette. » La phrase claque, ramenant le spectateur à cette réalité sans pause, où l’épuisement guette et où, parfois, l’irréparable survient. Car ici, la pendaison d’Augustin n’est pas une issue isolée, mais l’écho d’un malaise profond, d’un modèle à bout de souffle.
Pourtant, au cœur du drame, des moments de légèreté surgissent, quelques éclats de tendresse ou d’humour pour ne pas sombrer tout à fait. On rit, on s’émeut, mais surtout, on s’interroge, comme Augustin : « Dans quel monde la main qui nourrit est celle qui mendie ? ». La force de la pièce est là : dans sa capacité à faire ressentir, comprendre, sans jamais tomber dans l'apitoiement et la condamnation.
« Tout contre la terre » est un spectacle nécessaire, porté par une troupe habitée et sincère, qui donne voix à une France invisible, mais pourtant si essentielle. Un coup de poing doux, qui résonne longtemps après la dernière réplique.
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