Le Festival Off, foisonnante vitrine de la création contemporaine, a ouvert ses portes il y a quelques jours. Pour prendre le pouls de cette nouvelle édition, nous avons rencontré Harold David. Co-président d'Avignon Festival & Compagnies (AF&C), l'association qui structure et accompagne le Off, il est également directeur des théâtres Le Rouge Gorge et L'Atypik Théâtre. Il évoque pour nous un démarrage record, les nouvelles habitudes du public et la création du Village Tadamm, un espace inédit entièrement pensé pour le jeune public et les familles.
Avignon et Moi : Le festival est maintenant lancé depuis plusieurs jours. Quelles sont vos premières impressions sur cette édition ?
Harold David : Cette édition semble marquer un véritable rendez-vous avec le public. Tous les indicateurs de tendance que nous avons, bien que non définitifs, montrent un taux de fréquentation assez incroyable. C'est un retour général que je reçois de la plupart de mes collègues directeurs et directrices de lieux. Pour vous donner un élément concret, au niveau du système de billetterie d'AF&C – qui permet au public d'acheter des places pour plusieurs théâtres dans un même panier – nous avons dépassé le cap des 100 000 billets vendus en seulement trois jours. C'est du jamais-vu. Il y a trois ans, nous vendions 100 000 billets sur toute la durée du festival. L'an dernier, c'était 200 000. Cette dynamique est donc très forte et positive.
Je pense que l'alignement des dates avec le Festival d'Avignon (le "In"), sur lequel nous avons beaucoup travaillé, clarifie la dynamique festivalière sur le territoire et incite le public à s'investir.
On constate que de nombreuses compagnies affichaient des taux de réservation très élevés avant même le début du festival. Est-ce le signe d'une digitalisation des habitudes du public, qui réserverait davantage à l'avance ?
Oui, tout à fait. C'est un phénomène que l'on observe de manière générale depuis la crise Covid, qui a donné un coup d'accélérateur au numérique. De notre côté, à AF&C, nous avons aussi renouvelé notre outil de billetterie avec un prestataire qui offre une plateforme beaucoup plus performante en termes d'ergonomie et de réactivité. Plus les canaux de vente sont simples, plus ils génèrent de ventes.
De plus, cette année, nous avons modifié notre processus de publication du programme. Auparavant, nous devions attendre la fin des inscriptions pour mettre en ligne l'intégralité des spectacles. Désormais, dès qu'une compagnie s'inscrit, son spectacle est visible sur notre site. Le public a donc eu accès à l'offre au fur et à mesure, ce qui a permis de communiquer plus en amont. Mais je tiens à rassurer vos lecteurs : même s'ils n'ont pas réservé, il reste beaucoup de places. Le charme du Off, c'est aussi de se laisser porter et de découvrir des pépites au hasard de sa déambulation.
Parlons d'une des grandes nouveautés de cette année : le Village Tadamm, dédié au jeune public et aux familles. Qu'est-ce qui a motivé la création de cet espace ?
La démarche part d'un double constat. D'une part, le Festival Off est, de fait, le plus grand festival jeune public au monde, avec 181 spectacles dédiés cette année. Il nous tenait à cœur de soutenir ce secteur, qui est souvent le parent pauvre du spectacle vivant. D'autre part, nous avions identifié un angle mort dans notre public : les parents de 25 à 40 ans, qui peinaient à fréquenter le festival pour eux-mêmes, en dehors des spectacles pour leurs enfants. Il n'existait pas de point de repère pour que ces familles se sentent accueillies.
Nous avons d'abord créé le Guide Tadamm !, qui en est à sa troisième édition, pour répertorier l'offre jeune public par tranche d'âge. Puis, l'an dernier, nous avons testé des ateliers de pratique artistique. Face au succès, nous avons décidé de passer à l'échelle d'un village. Grâce à la Ville d'Avignon, nous avons pu nous installer à l'école Simone Veil. C'est un lieu qui propose une cinquantaine d'ateliers (danse, masques, marionnettes) menés par les compagnies elles-mêmes, des présentations d'extraits de spectacles pour guider les choix, et des espaces de jeux. C'est un lieu ludique, pédagogique, et de transmission.
Ce lieu nous est familier. N'est-ce pas l'ancien emplacement du Village du Off ?
Si, tout à fait. C'est ici qu'était implanté notre Village du Off. Nous avons dû le quitter car la ville y menait des travaux d'aménagement et de végétalisation. C'est ce qui nous a conduits à nous installer, depuis trois ans maintenant, au 6 Rue Pourquery Boisserin.
L'organisation d'un tel événement représente une machinerie immense. De combien de personnes se compose l'équipe d'AF&C ?
À l'année, nous sommes près de 15 permanents, une équipe qui a doublé en trois ans, tout comme notre activité. Pendant le festival, l'effectif monte à une centaine de personnes pour assurer le fonctionnement de tous nos services.
En plus de votre rôle à AF&C, vous dirigez Le Rouge Gorge et L'Atypik Théâtre. Comment parvenez-vous à concilier ces différentes casquettes, particulièrement pendant le festival ?
Le secret, c'est l'anticipation. La préparation d'une édition du festival est assez routinière ; les échéances sont les mêmes chaque année, donc on ne repart pas de zéro. Je peux donc organiser mon temps sans surprise. En réalité, une fois le festival lancé, je ne mets pas les pieds dans mes théâtres pendant les quinze premiers jours. Je délègue entièrement à une équipe très fidèle qui gère le fonctionnement des salles. Je suis au Village du Off en permanence. Ce sont deux réalités qui évoluent dans des mondes parallèles. Je me tiens évidemment informé des taux de remplissage pour accompagner les compagnies, mais physiquement, je ne suis pas présent.
N'avez-vous pas le regret de ne pas pouvoir profiter du festival comme un spectateur lambda ?
Ce n'est pas un regret, c'est un constat. J'ai choisi cette fonction et je l'assume. Honnêtement, j'éprouve énormément de plaisir dans mon travail pour AF&C. J'ai connu le festival sous d'autres statuts, donc je sais ce que je "perds", mais je sais aussi tout ce que cette co-présidence m'apporte. Il n'y a pas de frustration. J'ai été élu, des gens m'ont fait confiance, et j'essaie d'être à la hauteur de cet engagement. J'essaie tout de même de voir tous les spectacles qui jouent chez moi avant la fin du festival, ce qui occupe ma dernière semaine. Et il m'arrive, de temps en temps, d'aller voir un spectacle, y compris dans le In.
Pour conclure, revenons au Village du Off. De grands événements y sont-ils prévus en soirée ?
Il n'y a que des grandes soirées ! Notre programmation est très riche. En journée, nous avons des temps forts : rencontres sur les enjeux de la filière, tables rondes sur l'éco-responsabilité, focus sur notre pays invité d'honneur... Le soir, tous les jours sauf le mardi, nous avons le "Son du Off", notre festival de musique actuelle qui attire entre 1000 et 2000 personnes chaque soir. Nous accueillons aussi de nombreuses soirées professionnelles et organisons les nôtres : une soirée internationale pour les compagnies et programmateurs étrangers, une soirée jeune public, une pour les auteurs et autrices... Ce sont des moments de réseautage, de rencontre et de partage essentiels pour les professionnels.
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