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Hubris : Dépoussiérer le mythe d'Achille au Festival d'Avignon

Entretien avec Clara Jauvart-Lacoste, autrice, metteuse en scène et interprète, et Louis Djabali, interprète d'Achille, sur leur création Hubris, une relecture contemporaine de la Guerre de Troie qui donne la parole aux oubliées du récit homérique.Présentée au Théâtre de l’Adresse durant le Festival Off d'Avignon, la pièce Hubris propose une immersion dans l'Iliade d'Homère sous un angle résolument moderne. Le spectacle entend dépoussiérer la tragédie grecque en se concentrant non seulement sur la figure complexe d'Achille, mais aussi sur les personnages féminins souvent relégués au second plan. Nous avons rencontré Clara Jauvart-Lacoste, qui a écrit et mis en scène la pièce, et Louis Djabali, qui interprète le mythique guerrier. Ils nous dévoilent les intentions derrière cette création ambitieuse et accessible.

Hubris : Dépoussiérer le mythe d'Achille au Festival d'Avignon
6 Juillet 2025 à 23h16 Par Jérôme Chaudier

Avignon et Moi : Pourriez-vous nous présenter la pièce Hubris ?

Clara Jauvart-Lacoste : Hubris est une tragédie grecque inspirée de l'Iliade d'Homère, mais avec une approche très contemporaine. On y retrouve un Achille et un Patrocle plus humains que héros. Surtout, pour la première fois, on y découvre le récit des femmes – Thétis, Briséis et Chryséis – qui sont souvent oubliées dans l'épopée.

C'est vous, Clara Jauvart-Lacoste, qui avez écrit et mis en scène la pièce. Qu'est-ce qui vous a amené à choisir ce sujet ?

Clara Jauvart-Lacoste : Je venais de lire Le Chant d'Achille de Madeline Miller, qui reprend la Guerre de Troie sous le regard de Patrocle. J'ai été fascinée par cette redécouverte de l'épopée sous un jour nouveau. En faisant mes recherches, j'ai constaté que les femmes, bien qu'essentielles au récit, étaient souvent laissées dans l'ombre. J'ai donc décidé que c'était cet angle que je voulais explorer. C'est comme ça qu'est née Hubris.

Louis Djabali, vous interprétez Achille. Pourquoi avoir accepté ce rôle et que représente-t-il pour vous ?

Louis Djabali : Incarner Achille est un défi immense. C'est un personnage mythologique que tout le monde connaît depuis son plus jeune âge, une figure très respectée. C'est donc une grande responsabilité, il faut essayer d'être à la hauteur. C'est aussi un personnage d'une grande complexité, un véritable anti-héros. Il débute comme un adolescent débordant d'une soif de gloire, de fortune et d'honneur, mais ses actions sont souvent dénuées de cet honneur qu'il recherche. C'est cette opposition entre deux mondes en lui qui est passionnante.

Quels ont été les défis majeurs, que ce soit dans l'écriture ou dans l'interprétation ?

Clara Jauvart-Lacoste : Au niveau de l'écriture, le défi était de rendre clair un récit qui peut paraître très complexe. Hubris n'est pas une pièce destinée uniquement aux hellénistes, mais à tout le monde. Que l'on connaisse la Guerre de Troie ou non, on doit pouvoir y trouver son compte. Pour cela, j'ai ajouté deux personnages, des soldats, qui apportent de la légèreté et de l'humour, et qui expliquent le contexte pour que le spectateur ne soit jamais perdu.

La deuxième difficulté, à la mise en scène, était d'éviter de tomber dans une esthétique classique. Je voulais contrebalancer l'écriture avec une mise en scène extrêmement contemporaine pour dépoussiérer le mythe et le faire résonner avec notre monde actuel. La scénographie est donc très épurée, centrée sur l'essentiel, pour permettre aux comédiens de se concentrer sur le texte et les enjeux.

Louis, pour incarner Achille, y a-t-il eu des difficultés particulières ?

Louis Djabali : L'histoire retrace la Guerre de Troie, qui s'étend sur dix ans, à travers la vision des proches d'Achille. Le tout condensé en une heure vingt. La difficulté principale a donc été de montrer l'évolution du personnage sur une temporalité aussi longue. Je pars d'un point A, où Achille est au début de l'adolescence, pour arriver à un point B, où il est un jeune adulte orgueilleux, endurci et aigri par les événements. Rendre cette transformation crédible en si peu de temps était un véritable challenge.

La pièce se déroule-t-elle à l'époque de l'Antiquité grecque ou l'avez-vous transposée à notre époque ?

Clara Jauvart-Lacoste : Nous l’avons transposée à aujourd’hui. Les soldats portent des tenues militaires actuelles. Le décor unique est une grande tente, qui représente successivement un palais, le camp grec pendant la guerre, puis le chaos final. Même nos costumes sont contemporains. J'interprète le rôle de Thétis, la mère d'Achille, qui est une déesse, et je suis vêtue d'un simple pantalon noir et d'une chemise. Je voulais que le public puisse s'identifier aux personnages dès les premiers instants, sans distance créée par les costumes ou la mise en scène.

Louis Djabali : Je pense même que c'est intemporel. Dans les décors et les costumes, on ne saurait pas dire si nous sommes aujourd'hui, il y a cent ans ou deux mille ans. On est dans une bulle, sous cette tente, et seule l'histoire que l'on vous délivre compte.

Si vous deviez décrire la pièce en trois mots chacun, quels seraient-ils ?

Clara Jauvart-Lacoste : Marquante, Surprenante et Engagée.

Louis Djabali : Intemporel, simple et orgueil.

Quel message ou quelle impression souhaitez-vous laisser au public à l'issue de la représentation ?

Clara Jauvart-Lacoste : J'aimerais que les spectateurs se disent qu'ils ont redécouvert la tragédie et qu'ils y retourneront. Que le théâtre a évolué. Je voudrais aussi qu'ils voient que la nouvelle génération de comédiens, même au sein d'une compagnie émergente comme la nôtre, a des choses à raconter et sait proposer un travail de qualité. Que la relève est là.

Louis Djabali : Je rejoins Clara. Parfois, la tragédie peut faire peur, car les enjeux et les émotions sont si forts qu'ils semblent éloignés de nous. Ici, nous allons à l'essentiel, sans artifice. L'histoire est claire pour tout le monde, de 14 à 80 ans. Et malgré le côté tragique, il y a des moments beaucoup plus légers qui permettent de souffler. On passe par plusieurs émotions.

Faut-il connaître le mythe pour comprendre la pièce ?

Clara Jauvart-Lacoste : Non, absolument pas. C'est notre travail, en tant qu'autrice, metteuse en scène et comédiens, de rendre le texte et les enjeux parfaitement clairs. Souvent, les spectateurs arrivent avec une certaine appréhension de la tragédie et repartent surpris et heureux de s'être laissé une chance. Notre but n'est pas de choquer, but de livrer un récit humain, puissant et subtil.

Informations pratiques :

  • Spectacle : Hubris
  • Compagnie : Compagnie Paizo
  • Lieu : Théâtre de l'Adresse
  • Dates : Du 5 au 26 juillet 2025 (relâche les mardis)
  • Horaire : 15h45
  • Durée : 1h20
  • Distribution : Cécile Garnier, Corentin Gerold, Louis Djabali, Clara Jauvart-Lacoste et Léa Michelot
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Article de : Jérôme Chaudier
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