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Thierry Mourjan : Avec Un Voisin, j'explore notre besoin d'afficher le bonheur

À l'affiche du Théâtre des 3S pendant le Festival d'Avignon, la pièce Un Voisin dissèque avec un humour absurde et décalé notre société de l'apparence. Son auteur et metteur en scène, Thierry Mourjan, nous dévoile les coulisses d'une comédie qui, derrière le rire, interroge notre quête obsessionnelle du bonheur et l'image que nous renvoyons aux autres. Rencontre avec un créateur qui manie le paradoxe pour nous faire rire et réfléchir.

4 Juillet 2025 à 17h33 Par Mathilde Pallon

Avignon et Moi : Quelle est la genèse de votre pièce, Un Voisin ?

Thierry Mourjan : L'idée est partie d'une observation du quotidien. J'ai remarqué combien de gens, en couple ou entre amis, se répètent à l'envi : « On est bien, hein ? ». Cette phrase, en apparence anodine, m'a interpellé. Pourquoi ce besoin de le verbaliser ? Est-ce pour se rassurer ? Est-ce une vérité ou la construction d'une vérité ? J'ai déroulé ce fil pour explorer ce que cache cette affirmation. Cela m'a mené à une réflexion plus large sur notre époque, très marquée par les réseaux sociaux où l'on se sent presque obligé d'afficher son bien-être, de partager la photo de son plat au restaurant, de documenter son voyage... La pièce interroge ce décalage entre l'image du bonheur que l'on projette et la réalité de ce que l'on vit.

Comment cette idée se traduit-elle sur scène ?

L'histoire débute avec un couple, en apparence heureux, qui vit un peu en autarcie. Leur quiétude est soudainement troublée par l'arrivée d'un nouveau voisin, bruyant et dépressif, qui vient de se faire quitter. D'abord agacés, ils finissent par faire sa connaissance, et cette rencontre va bousculer leur dynamique. Puis un quatrième personnage entre en jeu : une femme mystérieuse et excentrique que le voisin observe par la fenêtre. Son irruption va rebattre les cartes et pousser ce quatuor à envisager de former deux nouveaux couples, avec une application et une rigueur qui créent des situations très comiques.

Vous qualifiez la pièce de "comédie, mais pas que". Qu'entendez-vous par là ?

J'aime traiter de sujets sérieux, comme l'enfermement ou l'incommunicabilité, sur un mode comique, avec un ton très décalé. Je pense que l'humour permet de faire passer beaucoup de choses. Les personnages ont des obsessions et des préoccupations très singulières, presque absurdes, mais qui, je l'espère, résonnent avec des questionnements universels sur l'existence, le bonheur, la solitude. L'objectif est que le public se dise en sortant : « On a bien rigolé, mais ça fait réfléchir ». Si certains ne retiennent que le rire, c'est très bien aussi, mais l'idéal pour moi est de provoquer les deux.

La distribution réunit Xavier de Guillebon, Maud Imbert, Jérôme Keen et Sylvia Roux. Comment s'est fait ce choix ?

C'est une pièce à quatre personnages que j'ai écrite il y a plusieurs années. J'avais une envie profonde de travailler avec ces quatre comédiens spécifiquement. Le texte leur a plu, et le désir de monter ce projet ensemble était mutuel. C'est une chance formidable d'avoir pu réunir Xavier, Maud, Jérôme et Sylvia, qui est également directrice artistique de ce beau théâtre.

Un mot sur la scénographie, qui semble participer pleinement au propos ?

Absolument. La scénographe Christine Casile a conçu un décor qui est une métaphore de la pièce. Tout le mobilier sur scène – la table, le banc, le fauteuil – ressemble à du vrai mobilier, mais il est intégralement fait de carton. C'est un décor en trompe-l'œil, à l'image de mes personnages qui sont avant tout préoccupés par les apparences et dont la quête n'est pas tant d'être heureux que de donner l'impression qu'ils le sont. L'espace est aussi pensé pour deux, rendant l'arrivée des autres personnages physiquement et symboliquement dérangeante.

À qui s'adresse Un Voisin ?

C'est vraiment une pièce tout public. Je pense qu'un adolescent, peut-être à partir de 12 ans, peut tout à fait rire des situations et des dialogues, même s'il ne perçoit pas toutes les strates de lecture. Le comique des situations et le jeu sur les paradoxes sont accessibles à tous.

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