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Entretien avec Donat guibert : L'homme derrière le Masque de Fer

Le Festival Off d'Avignon est souvent l'occasion de revisiter l'Histoire. C'est le cas avec "Le Masque de Fer et le Mousquetaire ou le secret de Saint-Mars", un seul-en-scène écrit et interprété par Donat Guibert. Loin des versions romancées, il y explore la vie de Bénigne Dauvergne de Saint-Mars, le véritable geôlier du plus célèbre prisonnier de France. Une plongée dans les arcanes du pouvoir sous Louis XIV, pour découvrir un personnage complexe, à l'opposé du d'Artagnan que la littérature nous a légué. Rencontre avec un comédien et auteur passionné d'Histoire.

Entretien avec Donat guibert : L'homme derrière le Masque de Fer
3 Juillet 2025 à 22h27 Par Mathilde Pallon

Avignon et Moi : Pourriez-vous nous présenter votre pièce, "Le Masque de Fer et le Mousquetaire" ?

Donat Guibert : Il faut venir découvrir ce mousquetaire un peu particulier, Bénigne Dauvergne de Saint-Mars, qui fut le créateur de la légende du Masque de Fer. C'est un fait historique véritable mais méconnu. Aujourd'hui, la plupart des historiens s'accordent sur l'identité de l'homme derrière le masque. Le plus intéressant est de savoir pourquoi ce mythe a été créé et par qui. Ce Saint-Mars est en quelque sorte le parfait négatif de d'Artagnan. C'est d'ailleurs ce dernier qui l'avait recommandé pour devenir gouverneur de toutes les geôles de France, un rôle qu'il a tenu jusqu'à finir lui-même à la Bastille avec sa "création", le Masque de Fer. On le connaît mal. Hollywood s'est emparé du personnage du Masque de Fer, mais a complètement occulté ce gouverneur, qui était pourtant à la base un mousquetaire et un soldat d'élite.

S'agit-il d'une reprise ou d'une création originale ?

C'est une création totale. J'ai déjà écrit plusieurs pièces historiques, dont "Fouquet, d'Artagnan ou une amitié contrariée" il y a près de vingt ans. À cette époque, j'avais découvert l'existence de ce gouverneur, puisque Fouquet fut enfermé à Pignerol où Saint-Mars était déjà en poste. À travers plusieurs écrits, j'ai compris que c'était un mousquetaire peu sympathique, à l'opposé du d'Artagnan que Dumas nous a laissé. Je me suis dit qu'il serait intéressant de montrer au public ce qu'étaient véritablement les mousquetaires à cette époque : des soldats d'élite au service de Louis XIV. L'idée d'écrire sur Saint-Mars est née à ce moment-là, mais cela prend du temps, car il faut éviter les erreurs historiques.

Le travail de recherche historique semble donc primordial. Quel équilibre avez-vous trouvé entre la vérité historique et la fiction ?

Il y a toujours une part romancée, nécessaire à la dramaturgie. Sur ma pièce "Fouquet, d'Artagnan", j'étais à environ 98% de vérité historique. Ici, les écrits sur Saint-Mars sont plus rares, même si des auteurs comme Pagnol ou Dumas en ont parlé en romançant énormément. J'ai dû recouper de nombreuses informations à travers les ouvrages d'historiens comme Philippe Erlanger ou Jean-Christian Petitfils. Disons que pour cette pièce, nous sommes à 90% de vérité historique pour 10% de fiction, car il faut bien trouver les coutures pour lier le tout.

Quels ont été les principaux défis, tant dans l'écriture que dans l'interprétation de ce seul-en-scène ?

Le défi principal, sur lequel nous avons beaucoup travaillé avec mon metteur en scène, Alain Veniger, était de donner toute son épaisseur au personnage sans tomber dans le one-man-show. Ayant fait du one-man-show, je sais que la tendance est de vouloir être sympathique, d'emporter le public. Ici, il fallait respecter un personnage qui n'est pas d'une sympathie extraordinaire au premier abord. L'atmosphère est assez glacée dans le premier acte, puis il se détend. Il fallait aussi, à travers son seul propos, faire revivre les grandes figures de l'époque comme Louvois ou Barbezieux. C'était un travail de restitution d'un personnage entier, comme beaucoup au XVIIe siècle, qui possédaient un sens de l'honneur très prononcé.

Cela a donc nécessité un véritable travail d'historien de votre part ?

Oui, c'est un travail préalable obligatoire en tant qu'auteur. Il faut lire beaucoup d'ouvrages, faire des recoupements, car il n'existait pas de biographie unique sur Saint-Mars. Cela prend du temps et de l'énergie jusqu'au moment où l'on sent qu'on a trouvé la bonne dramaturgie. Le travail de l'auteur et celui du comédien sont successifs, complémentaires, mais très différents.

Si vous deviez définir votre spectacle en trois mots, quels seraient-ils ?

Vérité, car la pièce invite à découvrir la vérité derrière les apparences. Panache, car Saint-Mars est un personnage qui en a beaucoup. Et Honneur, pour le sens profond qu'il en avait. Je pourrais même ajouter Humanité, car on la découvre aussi en lui.

Avec quel message souhaitez-vous que les spectateurs repartent ?

D'abord, qu'ils ne croient pas tout ce qu'on leur a raconté. Hollywood nous a servi le frère jumeau du roi, mais la réalité, si elle est plus simple, est tout aussi spectaculaire et bien plus angoissante. Je veux qu'ils découvrent une image différente du mousquetaire flamboyant. Saint-Mars l'est aussi, mais avec ses angoisses, ses blessures, ses amertumes. L'ironie du sort, c'est qu'il a créé un personnage légendaire qui lui a survécu, tandis que lui a été oublié. J'essaie de l'exhumer. Les spectateurs repartent, je l'espère, avec le sentiment de mieux connaître cet homme, les véritables enjeux du Masque de Fer, et de comprendre que le XVIIe siècle, derrière les fastes de Versailles, était d'une cruauté terrible.

En somme, que vient-on voir ?

On ne vient pas voir des artifices. On vient voir un homme qui raconte son histoire, qui nous fait voyager dans sa vie et à travers les personnages du XVIIe siècle. C'est la recherche d'une vérité plus simple et plus spectaculaire que le mythe. On vient écouter un récit passionnant, porté par les émotions d'un personnage que l'Histoire avait laissé de côté.

Informations pratiques :

  • Spectacle : "Le Masque de Fer et le Mousquetaire ou le secret de Saint-Mars"
  • Lieu : L'Autre Carnot, Avignon
  • Dates : Du 5 au 26 juillet (relâche les vendredis)
  • Horaire : 10h15
  • Durée : 1h15
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Article de : Mathilde Pallon
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