À l'affiche du Théâtre Au Bout Là-Bas durant le Festival d'Avignon, Danser Encore est un seul en scène porté par la comédienne et autrice Christine Pedditzi. La pièce aborde avec sensibilité la maladie d'Alzheimer à travers le prisme de sa propre expérience avec sa mère. Une histoire personnelle qui touche à l'universel en explorant le rôle des aidants, la mémoire et les liens familiaux. Nous avons rencontré Christophe Martin, le créateur régie du spectacle, qui nous dévoile les coulisses et l'esprit de cette création. Le spectacle se joue du 5 au 26 juillet, à 11h40 (relâche le mardi).
Avignon et Moi : Bonjour Christophe. Pouvez-vous nous présenter la pièce Danser Encore ?
Christophe Martin : C'est un seul en scène qui relate l'expérience de l'autrice, Christine Pedditzi, avec sa mère qui, à la fin de sa vie, a perdu la mémoire à cause de la maladie d'Alzheimer. Dit comme ça, le sujet peut paraître plombant, mais en réalité, la pièce est traversée par beaucoup de joie. L'idée est de garder le meilleur, les bons souvenirs. L'esprit du spectacle tient dans un échange entre Christine et sa fille, Lou, qui lui demande : « Mamie, ça a commencé à quel âge ? », « Quand elle avait 65 ans », « Et toi maman, tu as quel âge ? ». Le spectacle s'adresse à tous les accompagnants, les aidants, quelle que soit la maladie, car il aborde des questions universelles, le désarroi, mais aussi la manière de sublimer tout cela.
Comment est née l'idée de ce spectacle ?
Christine a participé à un stage d'écriture avec Alain Damasio. Il en est sorti un slam dans lequel elle s'adresse à la maladie en disant : « Alzheimer, sale voleur, rends-moi ce que tu m'as volé ». La déclamation de ce texte a été un déclic, une envie de partager les moments forts vécus avec sa maman. De ce slam est née toute l'architecture du spectacle. C'est une pièce vivante, qui mêle témoignage, narration et jeu, mais aussi ombres chinoises, vidéos et photos pour créer une immersion et retranscrire cette traversée d'émotions : le découragement, l'envie, le rêve, les souvenirs qui émergent et qui disparaissent... et au final, la vie et l'amour.
Le processus de création a-t-il été long ?
L'écriture initiale, l'architecture de la pièce, a jailli assez rapidement. En revanche, la mise en scène et en lumière a pris une année entière. Ce temps a été nécessaire car le projet a évolué. Il est passé par des interviews d'autres personnes accompagnantes, de personnes vivant des moments d'oubli, mais aussi des moments de joie. Nous avons aussi échangé avec l'association France Alzheimer, qui a vu la pièce et nous accompagne. Ce travail a permis de comprendre que ce n'était plus seulement l'expérience de Christine, mais une histoire qui touchait aussi les autres membres de la famille, les enfants à qui il faut expliquer l'inexplicable, ce que l'on appelle le "deuil blanc". D'une expérience personnelle, c'est devenu une transmission universelle. C'est ce passage qui a pris du temps.
La pièce semble faire face à un défi : condenser un sujet si dense dans le format du festival.
Oui, le format d'Avignon est de cinquante-cinq minutes maximum. Il a donc fallu condenser, et parfois faire passer toute une interrogation ou un questionnement dans une seule image, un regard ou un son. C'est un sacré challenge. Nous avons beaucoup pressé pour qu'il reste l'essentiel, une belle énergie et, nous l'espérons, un spectacle à voir.
Si vous deviez choisir trois mots pour définir le spectacle ?
Les premiers qui me sont venus sont : transmission, partage et amour. Je pense que nous pouvons rester là-dessus, car ils sont au cœur du projet.
Avec quel sentiment souhaitez-vous que les spectateurs repartent ?
Avec les yeux rouges et la patate ! (rires) Nous voulions être traversés par toutes les émotions. Il y a des rires, et puis des moments où le cœur est serré. Nous n'avons pas voulu éviter le pathos, mais plutôt prendre cette thématique lourde à bras-le-corps pour en tirer tout ce qu'elle peut avoir de beau. Il y a deux ans, en travaillant dans un EHPAD, nous demandions aux résidents de nous parler de leurs souvenirs heureux, et il en est sorti des choses extraordinaires. Nous avons voulu aborder cette pièce sous le même angle : non pas se demander ce que l'on a perdu, mais ce qui nous reste. Et avec quoi l'on repart. Profiter de chaque instant de vie.
En tant que créateur à la régie, n'est-il pas difficile de gérer la technique tout en étant vous-même touché par l'émotion de la pièce ?
Merci pour cette question. Je crois que cela ne fait que deux ou trois filages que j'arrive à ne pas pleurer en faisant la régie. La pièce me touche personnellement, car c'est une partie de ma vie qui est aussi racontée à travers celle de Christine. Mais au-delà de ça, le texte a une vraie puissance évocatrice. Donc oui, j'apprends à gérer. On verra avec l'énergie et la fatigue du festival, peut-être que des vannes lâcheront, et tant mieux !
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