Au coeur d'Avignon, une scène vibre au-delà de la frénésie estivale du Festival. Le Théâtre Episcène, né en septembre 2017 de la vision d'une femme belge, s'est imposé comme un lieu de vie culturel permanent, un pont entre la France et la Belgique, et surtout, une aventure profondément humaine. Porté par Jeannine Horrion , une mère de six enfants qui a décidé de se lancer un "défi pas très raisonnable", ce théâtre de 100 places s'est taillé une place singulière dans le paysage avignonnais, avec une philosophie claire : nourrir l'esprit et réchauffer le coeur.
En s'installant en septembre 2017, Jeannine a fait un constat surprenant : la rareté des lieux de travail pour les artistes à Avignon en dehors de la période du festival. Très vite, les demandes de résidences, de cours et de location ont afflué. Dès octobre 2017, le théâtre accueillait des cours d'improvisation trois soirs par semaine, lui permettant de "rencontrer progressivement les gens d'Avignon" et de tisser des liens solides avec les directeurs des théâtres voisins, des Carmes aux Halles ou au Balcon.
Cette activité continue est aujourd'hui la marque de fabrique d'Episcène. Le théâtre ouvre ses portes à une multitude de disciplines : masterclass de "théâtre brut", ateliers d'art-thérapie, accueil de compagnies amateures, partenariats avec des écoles de comédie musicale ou encore avec l'Université d'Avignon.Face à un monde "pas rigolo du tout" et traversé de tensions, Jeannine défend une vision du théâtre qui, tout en invitant à la réflexion, doit aussi offrir des moments "de rêve, de décompression, de pouvoir sortir avec le sourire". "Je pense qu’on réfléchit toujours mieux quand on est ouvert et dans le sourire que quand on se referme", affirme-t-elle. Cette philosophie se reflète dans une programmation soigneusement équilibrée. Elle n'hésite pas à aller voir en Belgique des "propositions dures, rudes" et "audacieuses", mais choisit de programmer des pièces qui, même lorsqu'elles abordent des sujets profonds, ne laissent pas le spectateur accablé. L'objectif est de soutenir les jeunes compagnies et de proposer un rythme où les spectacles plus légers et familiaux prennent le relais en fin de journée, jusqu'à la comédie.
L'ambition première d'Episcène est de "pouvoir amener au niveau artistique des propositions belges pendant toute l'année" et de créer des rencontres culturelles. Loin de vouloir s'imposer, la démarche se veut respectueuse de la vie culturelle avignonnaise, cherchant à "apporter autre chose".
Cette mission a été mise à rude épreuve durant la crise du Covid. En tant qu'association belge opérant en France, le théâtre n'a bénéficié d'aucune aide. C'est le soutien financier de son mari qui a permis de "supporter les frais" et de tenir bon. C'est aussi de cette période de frustration qu'est né "Ceci n'est pas un festival", un événement créé pour permettre aux artistes belges de retrouver la scène.
Récemment, cet engagement a été couronné par une reconnaissance officielle : l'association a obtenu une convention et une subvention annuelle de la Fédération Wallonie-Bruxelles pour la promotion des artistes belges. Une "bulle d'air" qui vient soutenir le projet, sans jamais compromettre son indépendance et sa volonté de maintenir une programmation mixte, car la rencontre entre artistes belges et français est essentielle à ses yeux.
Pour faciliter la rencontre entre les artistes et les professionnels (diffuseurs, programmateurs), le théâtre a même mis en place des "brunchs pros". Une initiative spontanée, née l'an dernier du désarroi des compagnies face aux difficultés de réseautage, qui se pérennise cette année dans une ambiance conviviale, entre bières belges et croissants locaux.
Le Théâtre Episcène n'est pas qu'une simple salle de spectacle. C'est le fruit d'une reconversion audacieuse, un projet familial devenu un lieu de vie, de création et de partage. C'est une maison ouverte où l'on cultive avec la même ferveur l'exigence artistique, la chaleur humaine et la joie d'être ensemble. Un coeur belge qui bat, fort et juste, dans la cité des Papes.
Spectacles journaliers (du 5 au 26 juillet, relâche les lundis)
● 10h00 : Chez lui (Mime et Humour Visuel) Un spectacle sans paroles de Patrik Cottet-Moine, conçu avec Michel Courtemanche, où un père de famille se transforme en une galerie de personnages clownesques et touchants, de Roméo maladroit à une hilarante mante religieuse.
● 11h20 : Coeur serré (Théâtre) Une pièce inédite explorant les mécanismes de l'emprise dans toutes nos relations. Portée par la méthode originale du "Théâtre brut", elle offre un moment immersif, physique et sensoriel pour libérer la parole sur un sujet sensible.
● 12h55 : Rimbaud-Verlaine: Viælences (Théâtre - poésie) Ce spectacle raconte la relation tumultueuse entre les deux poètes, mise en parallèle avec les enjeux sociaux de notre époque. Une critique de la romantisation des relations violentes, mêlant poésie et histoire.
● 14h28 : Rossignols du Carnage (Théâtre) Par la compagnie du succès "Des Chèvres en Corrèze", cette nouvelle création met en scène la rencontre de deux hommes dans un monde post-apocalyptique qui décident de se raconter "la dernière histoire de l'humanité". Une fresque intime et poignante.
● 16h10 : La cabane d'Alexandra Kollontaï (Théâtre) Une exploration intellectuelle et documentée du polyamour, inspirée par la figure historique et féministe Alexandra Kollontaï. La pièce questionne nos rapports amoureux et nos façons de vivre les relations.
● 17h55 : Opérapiécé Opus 2 (Spectacle musical) Un voyage musical où Bach rencontre Polnareff et Mozart croise Johnny Hallyday. Deux chanteuses et un accordéoniste mêlent airs classiques et variété dans une "Opéralchimie" de la mémoire, pleine de rire et d'émotion.
● 19h25 : L'Amour à la carte (Comédie) Comment se remettre sur le marché de la rencontre après un divorce ? Une comédie sur un duo atypique qui explore avec humour et légèreté les codes de l'amour dans la "deuxième vie".
● 21h10 : 8m2 (Comédie) Pour la troisième et dernière année, l'histoire de la colocation forcée et improbable de quatre détenus dans une cellule de prison. Une comédie loufoque et rythmée sur leurs histoires personnelles et une cohabitation explosive.
● Lundi 14 juillet, 11h15 : Des chèvres en Corrèze (Seul en scène) Le retour du succès des OFF 2023 et 2024. Un ermite moderne retrace le parcours qui l'a poussé à fuir la société, dans un récit initiatique drôle et touchant.
● Lundi 21 juillet, 11h45 : Les petites aventures du Mime Hic (Mime et Humour Visuel) Un jeune mime tendre et enfantin invite le public à plonger dans son imaginaire où le geste, le silence et la musique classique s'harmonisent avec poésie.
● Lundis 7, 14, 21 juillet, 12h45 : Carlin - Comment se (dé)faire des amis (Seul en scène) Un spectacle provocateur qui aborde les sujets tabous et encourage à penser par soi-même pour débusquer la manipulation des médias ou des lobbies.
● Lundis 7, 14, 21 juillet, 14h15 : Les Belges en Liberté (Humour) En partenariat avec la Fédération Belge de l'Humour, un plateau d'humoristes belges confirmés et émergents, avec une programmation différente chaque lundi pour découvrir toute la diversité de l'humour plat pays.
● Lundis 7, 14, 21 juillet, 15h45 : Un sujet délicat (Lecture / spectacle) L'histoire de Simon, un professeur qui emmène ses élèves à Auschwitz et dont le voyage ne se passe pas comme prévu. Une nouvelle création sur la représentation d'Auschwitz aujourd'hui, racontée avec justesse et émotion.
● Lundis 7, 14, 21 juillet, 17h15 : #Balance ton Olympe (Spectacle conférence) Une conférencière passionnée et loufoque explore les origines du harcèlement en analysant la condition féminine dans la Grèce antique et en dénonçant Zeus comme le "premier harceleur de l'humanité".
● Lundis 7, 14, 21 juillet, 19h00 : Ostinato Blues (Spectacle musical) La rencontre surprenante entre une chanteuse lyrique et un chanteur-guitariste de rock. Un voyage musical unique qui mêle Vivaldi, Purcell, le blues et la musique traditionnelle.
● Lundis 14, 21 juillet, 20h40 : Le travesti et sa femme (Lecture / spectacle) Une lecture d'une écriture en cours de Christine Delmotte qui rend hommage aux "cross-dressers", ces hommes hétérosexuels qui aiment se travestir. Un sujet délicat abordé avec finesse pour lutter contre les préjugés.
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