Anatomie d'une actrice : notre avis

Sur scène, deux actrices se donnent la réplique dans leurs répétitions de Phèdre de Racine. Face à Juliette, Suzanne, grande actrice récompensée, prend toute la place, reléguant la jeune comédienne débutante à un simple rôle d'assistante. C'est-à-dire que la grande dame est imbue d'elle-même, et pas qu'un peu ! C'est tellement poussé que l'actrice l'assume et on en rit. Elle demande plusieurs fois : « Tu es sûre qu'on ne voit que moi ? Est-ce qu'on me voit bien ? »

Au fur et à mesure de la répétition et à l'approche de la grande première, Juliette interroge Suzanne sur ses débuts, ses souvenirs de comédienne, son parcours jusqu'à l'heure de gloire, tandis qu'une ombre indicible et silencieuse plane sur scène.

Cette pièce est une véritable mise en abyme, une plongée dans les méandres et les mystères de l'esprit, là où la mémoire demeure la dernière gardienne. Suzanne et Juliette jouent le rôle d'une vie, le spectacle d'une vie, emportées par le tourbillon de l'existence et des souvenirs. Mettant en avant le rôle complexe des artistes du spectacle vivant, elles en questionnent les tenants et aboutissants : comment un artiste peut-il réellement incarner une identité sans pour autant perdre la sienne et le sens des réalités ? « Actrice, c'est un métier, pas une identité », rappelle Juliette à Suzanne, alors que son professeur au conservatoire lui disait : « Une actrice ne doit jamais s'excuser d'exister ». Deux conceptions s'affrontent à travers deux actrices exceptionnelles qui sont mère et fille en dehors de la scène, ce qui ajoute une dose de complicité indiscutable.

Hélène et Lola Zidi donnent de la voix sur scène dans un drame d'une grande puissance et d'une profonde résonance. Grâce à une scénographie soignée, une mise en scène intelligente, des jeux de lumière travaillés et un texte de haut vol, ce duo fait mouche et nous touche en plein cœur. Les comédiennes nous embarquent dans une danse endiablée où nous passons du rôle de spectateurs à celui de témoins du destin. Je fais le pari que vous ne resterez pas de marbre…