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Quand Duolingo parie son âme sur l'IA : la grande braderie des cerveaux humains ?

L'application star de l'apprentissage des langues, Duolingo, prend un virage radical : l'intelligence artificielle (IA) à tous les étages ! Mais cette révolution technologique, qui promet monts et merveilles, se fait au détriment de ses contractuels et sème le doute chez ses fidèles.

Alors, Duolingo et l'IA, mariage de raison ou fausse bonne idée ? Plongeons dans les coulisses d'une transformation qui agite le monde de la tech et de l'éducation. Fin 2023, début 2024, la nouvelle tombe : Duolingo se sépare d'environ 10% de ses travailleurs contractuels. La raison invoquée ? L'utilisation croissante de l'IA. Un premier coup de tonnerre qui annonce une tempête bien plus vaste.

Duolingo IA
6 Mai 2025 à 13h44 Par Jérôme
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L'IA d'abord, les humains (contractuels) dehors

Imaginez une entreprise qui, du jour au lendemain, décide que l'IA peut faire le travail aussi bien, voire mieux, qu'une partie de ses équipes. C'est un peu le pari fou de Duolingo. En avril 2025, son PDG, Luis von Ahn, officialise la stratégie "IA-first" : l'IA d'abord. Dans un courriel interne, rapidement partagé sur LinkedIn, il annonce la couleur : l'entreprise va progressivement cesser de faire appel à des contractuels pour les tâches que l'IA peut gérer. Pour Duolingo, c'est une transition aussi fondamentale que son passage au "mobile-first" (le mobile d'abord) au début des années 2010, qui avait été un des piliers de son succès.

Concrètement, cette stratégie "IA-first" repose sur plusieurs piliers chocs :

Fin programmée des contractuels : Si l'IA peut le faire, pourquoi payer un humain ? C'est la logique implacable derrière la décision de remplacer les contractuels dont le travail est jugé automatisable.

L'IA, nouveau critère de recrutement : Désormais, pour rejoindre les rangs des "Duos" (les employés permanents de Duolingo), mieux vaut être à l'aise avec l'IA, sa connaissance devenant un critère d'embauche.

L'IA dans les évaluations : Les "Duos" actuels seront aussi évalués sur leur capacité à utiliser l'IA. Pression, quand tu nous tiens. Pas d'embauche si l'IA peut faire le job : Les équipes ne pourront recruter que si elles prouvent que le travail ne peut pas être davantage automatisé. Une politique qui fait écho à d'autres géants de la tech comme Shopify.

La promesse d'une productivité décuplée, quitte à y laisser des plumes

Pourquoi un tel virage ? Duolingo l'assure : c'est pour notre bien ! Ou du moins, pour accélérer massivement la création de contenu pédagogique. Selon Luis von Ahn, pour bien enseigner, il faut une "quantité massive de contenu", et le faire à la main, ce n'est tout simplement "pas scalable" (ça ne passe pas à l'échelle). Grâce à l'IA, l'entreprise se vante d'avoir pu créer 148 nouveaux cours en moins d'un an, contre 12 années pour ses 100 premiers cours. Un rythme effréné pour, dit-on, rendre l'éducation accessible à tous. L'autre argument massue, c'est l'efficacité : l'IA permettrait de "supprimer les goulots d'étranglement" et de libérer les employés permanents pour qu'ils se concentrent sur du "travail créatif".

Mais il y a un "mais", et de taille. Le PDG reconnaît lui-même que cette transition rapide vers l'IA pourrait entraîner de "petites baisses de qualité occasionnelles". Un compromis jugé acceptable pour ne pas "manquer le coche" de la révolution IA. C'est là que le bât blesse pour de nombreux utilisateurs.

Des utilisateurs "le cœur brisé" par une IA qui déraille

Cette stratégie "IA-first" a déclenché une véritable levée de boucliers. Sur les réseaux sociaux comme Reddit ou Twitter/X, les critiques fusent. Les utilisateurs se disent "furieux", "déçus", voire "le cœur brisé" ("heartbroken"). En cause ? D'abord, l'éthique. Beaucoup ne digèrent pas le remplacement de travailleurs humains par des algorithmes, y voyant une course au profit au détriment de l'humain. Certains vont jusqu'à annuler leurs abonnements payants pour ne pas soutenir une telle politique.

Ensuite, et c'est peut-être le plus inquiétant pour une application éducative, la qualité semble en prendre un coup. Les témoignages d'utilisateurs rapportent des erreurs de grammaire, des traductions incorrectes ou maladroites, des phrases "dénuées de sens" et des prononciations défaillantes. Un contenu parfois qualifié de "slop" (gadoue). L'un des exemples frappants cités dans le document concerne la difficulté de l'IA à gérer les subtilités des langues, comme le genre des noms en allemand ou les déclinaisons en polonais, ou encore les langues moins courantes pour lesquelles les modèles d'IA sont moins entraînés, comme l'irlandais. L'apprentissage d'une langue, ce n'est pas juste assembler des mots ; c'est comprendre des nuances, un contexte culturel. Or, l'IA, aussi performante soit-elle pour traiter de grandes quantités de données, peine encore sur ce terrain.

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Un pari risqué pour l'avenir de l'apprentissage

Le cas Duolingo illustre parfaitement la tension actuelle entre l'innovation technologique et ses implications humaines et qualitatives. En voulant aller vite, très vite, l'entreprise prend le risque de sacrifier ce qui a fait son succès : une certaine qualité pédagogique et un lien de confiance avec sa communauté. D'ailleurs, le document fourni souligne un paradoxe : Duolingo affirme que des humains continuent de vérifier le travail de l'IA, mais la stratégie globale vise à réduire ces mêmes ressources humaines. Comment maintenir une supervision de qualité dans ces conditions ?

L'entreprise semble faire le pari que les bénéfices de l'IA (rapidité, volume) l'emporteront sur les critiques et les éventuelles baisses de qualité. Un pari audacieux, surtout quand on touche à l'éducation où la fiabilité est reine.

Le saviez-vous ?

D'après les informations du document, avant même l'officialisation de la stratégie "IA-first" en 2025, Duolingo avait déjà "débarqué" environ 10% de ses contractuels fin 2023 et début 2024, liant déjà cette réduction à l'IA. Une sorte de ballon d'essai avant le grand saut.

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L'IA, outil miracle ou miroir aux alouettes ?

La transformation de Duolingo est emblématique des défis posés par l'IA. Si la promesse d'une création de contenu décuplée est alléchante, la réalité du terrain montre des utilisateurs inquiets et une qualité qui semble flancher. L'entreprise réussira-t-elle à prouver que l'IA peut être plus qu'un simple coupeur de coûts, et réellement améliorer l'apprentissage des langues sans y perdre son âme? L'avenir nous le dira.

Une chose est sûre : le hibou de Duolingo a décidé de voler à toute vitesse dans le ciel de l'intelligence artificielle. Espérons qu'il ne se brûle pas les ailes en oubliant ceux qui lui ont appris à voler : ses utilisateurs et les humains qui façonnaient, jusqu'ici, ses leçons.

Auteur : Jérôme

Expert en développement web, référencement et en intelligence artificielle, mon expérience pratique dans la création de systèmes automatisés remonte à 2009. Aujourd'hui, en plus de rédiger des articles pour décrypter l'actualité et les enjeux de l'IA, je conçois des solutions sur mesure et j'interviens comme consultant et formateur pour une IA éthique, performante et responsable.

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